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On a beaucoup insisté sur les avantages qu’on trouverait dans l’acclimatation des espèces exotiques d’animaux domestiques comme moyen d’augmenter la production des matières alimentaires. Il fallait une année comme l’année 1870 pour éclairer la question. Ce ne sont pas les machines à faire de la viande et du fait qui nous manquent, c’est le principe moteur de ces machines et les matières premières qui devraient leur fournir les élémens de la production. Si on introduisait le yack, la vigogne, le lama et le zèbre sur nos Alpes et nos Pyrénées, il faudrait cesser d’y conduire les moutons, les vaches et les chevaux de la Provence, du Languedoc et du Roussillon. Quant à entretenir dans nos fermes des animaux autres que ceux entretenus et perfectionnés depuis un temps immémorial et préférés par tous les peuples de la terre à ceux qu’on voudrait y introduire, il ne peut pas en être question. Il ne faut pas songer davantage à les y élever simultanément. Pour les opérations zootechniques comme pour les opérations industrielles, le progrès consiste à simplifier les machines à production, à se servir des instrumens les plus appropriés aux milieux dans lesquels on les fait agir. Aussi avons-nous vu l’industrie zootechnique, sous la seule suggestion de l’intérêt du producteur, se diviser, et chacune de ses branches être exercée dans des fermes et même dans des provinces différentes. Ici, on s’occupe de multiplication, on n’entretient que des jumens poulinières et on fait naître les poulains ; ailleurs, on s’adonne à l’élevage des jeunes chevaux ; sur les hautes montagnes, on fait naître les bêtes à cornes ; dans les plaines fertiles, on les engraisse, etc.

Au point de vue de l’agriculture proprement dite, de la culture des plantes, les conditions sont différentes. Le progrès consiste, à l’inverse de ce qui a lieu pour la production des matières animales, à multiplier le nombre des espèces utiles. Plus nous possédons d’espèces susceptibles d’être cultivées, plus ces espèces diffèrent les unes des autres par la longueur et la direction de leurs racines, par l’ampleur de leurs feuilles, par le terrain et les engrais qu’elles réclament et les matériaux qu’elles absorbent, par l’époque de l’ensemencement et de Ta maturité, par le genre de denrées qu’elles fournissent, plus la culture est riche et productive, plus la moyenne du rendement de la ferme est assurée, et plus sûrement nous sommes garantis contre les effets désastreux d’une grande humidité et de sécheresses extrêmes comme celle de 1870.


J.-H. MAGNE.