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du corps législatif, malgré les réserves d’opinion qu’on peut faire, il faut dire que ce cabinet a été accueilli avec la meilleure volonté. On ne lui a rien marchandé dès qu’il s’est présenté devant les chambres. Le général de Palikao a cette fortune, heureuse pour lui et pour nous, d’inspirer de la confiance ; il passe pour un homme résolu et calme, sachant se débrouiller à la guerre et difficile à déconcerter. Il est certain que le corps législatif n’a pas laissé que d’être ému et gagné en entendant ce vieux soldat s’excuser de ne pouvoir parler très haut parce que, depuis vingt-cinq ans, il avait une balle dans la poitrine, et il a été encore plus entraîné lorsque le nouveau ministre de la guerre est venu lui dire avant-hier que dans quatre jours deux corps de 35,000 hommes seront prêts à marcher à l’ennemi. Dès son arrivée au pouvoir en effet, le général de Palikao s’est mis à l’œuvre, et aujourd’hui les lois qui ont été immédiatement votées sont en pleine exécution. À vrai dire, c’est l’armement de la nation tout entière. Tous les hommes de vingt-cinq à trente-cinq ans, ceux qui ont été militaires surtout, sont rappelés à l’armée active ; ce qui reste forme la garde mobile, cette jeune réserve qui, à défaut de l’expérience qu’elle acquerra bientôt, a du moins l’entrain patriotique et la bonne volonté de servir le pays. C’est le maréchal Bazaine, disions-nous, qui commande désormais l’armée à Metz ; le général Trochu va commander à Châlons, le général Vinoy commande un corps d’armée organisé sous Paris. Le général Changarnier, qui à la première nouvelle de nos échecs est accouru à Metz, aura sans doute aussi un commandement. En un mot, tout va être sous le drapeau pour défendre le sol du pays, tandis que la garde nationale défendra ses foyers. De son côté, M. le ministre des finances n’est point resté inactif. Il a demandé aux chambres de porter à 1 milliard l’emprunt de 500 millions qui avait été voté, il a réclamé le cours forcé pour les billets de banque ; à des circonstances extraordinaires, il fait face par des moyens extraordinaires. Après le ministre de la guerre et presque autant que lui, c’est le ministre des finances qui peut le mieux organiser la victoire en sachant régulariser l’emploi de toutes les ressources de la France, en suffisant à cette colossale dépense d’une nation en campagne.

Maintenant c’est au gouvernement d’agir, c’est au pays de soutenir le gouvernement, de concourir avec lui à l’œuvre commune ; mais, qu’on ne s’y trompe pas, cette œuvre ne peut s’accomplir d’une manière efficace dans la confusion, dans les agitations intempestives, dans le choc perpétuel de récriminations violentes, et à ce point de vue, on ne peut le dissimuler, le corps législatif s’est singulièrement oublié le premier jour où il s’est réuni ; il a donné un attristant spectacle qui aurait pu devenir dangereux, s’il s’était prolongé. Heureusement les journées qui ont suivi ont été mieux employées par le corps législatif ; on est bientôt revenu de ces effervescences de la première heure, on n’a pas tardé à