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France, le taux d’accroissement n’y est que de 0,31 pour 100. Plusieurs provinces de l’Allemagne ne sont donc pas près de multiplier aussi rapidement que celles de la vieille Prusse. C’est qu’en effet la population est déjà arrivée dans plusieurs de ces districts à un état de densité considérable, et peut-être même inquiétant. Tandis que nous avons en France 70 habitans par kilomètre carré, la confédération de l’Allemagne du nord compte sur le même espace plus de 72 âmes, Bade en offre 93 et le Wurtemberg 87. Il est impossible que la population s’accroisse sensiblement sur des territoires déjà si encombrés. Les lois et les mœurs tendent à restreindre cette progression exubérante ; la petite propriété, qui gagne chaque jour du terrain en Allemagne, rend les familles moins nombreuses. Dans la Prusse proprement dite, le taux de l’accroissement annuel de la population est tombé dans ces dernières années à 1 pour 100 environ. L’on aurait donc tort de s’inquiéter outre mesure. Pendant longtemps encore, le rapport de la population française et de la population allemande ne se modifiera pas d’une manière très sensible.

La différence de fécondité dans les familles françaises et les familles prussiennes a des conséquences qu’il n’est pas inutile de relever. Sur un même chiffre d’habitans, il y a en Prusse beaucoup plus d’enfans ou d’adolescens qu’en France. Le petit nombre relatif des naissances fait que notre population présente une proportion d’adultes supérieure à celle qu’on trouve dans l’Allemagne du nord. Sur 10,000 têtes humaines, l’on ne compte en France que 3,603 personnes au-dessous de vingt ans ; on en compte au contraire 4,616 en Prusse. C’est assurément là un avantage pour notre pays. Nous avons, à population égale, un plus grand nombre d’hommes capables de porter les armes et de servir la patrie. Néanmoins le nombre des personnes au-dessus de trente ans est seul plus considérable chez nous que chez nos ennemis ; la Prusse a autant de jeunes gens de vingt à trente ans que la France, elle en a même un peu plus.

C’est généralement le chiffre des armées qui sert de mesure à la puissance des états. Il y a assurément quelque incertitude dans cette mesure, car la quantité peut être compensée par la solidité : le nombre est un des élémens de la force, mais beaucoup de qualités qui tiennent à la race ou à l’éducation ont autant de poids que le nombre. Le système d’armement prussien, qui prend, à la première menace de guerre, tout ce qui est jeune et valide dans la nation, a sans doute de grands avantages. Il permet d’agir avec des masses énormes, de jeter sur l’ennemi de véritables hordes qui ont l’impétuosité d’un torrent grossi par la fonte des neiges. La