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garde mobile s’élevait à 415,319 hommes. L’ensemble de nos forces militaires était donc de 1,003,527 hommes ; mais la garde mobile n’existait guère que sur le papier : les cadres mêmes n’en étaient généralement pas formés. Il a fallu les cruelles et instructives épreuves du début de la campagne pour donner une vie réelle à cette patriotique institution. Voyez néanmoins que de ressources possède un pays comme la France. En rappelant les hommes non mariés des sept ou huit classes les plus récemment libérées, en tirant parti des élémens disponibles dans certains corps de soldats citoyens, tels que les pompiers et les gendarmes, l’on peut en quelques semaines mettre en ligne 800,000 hommes de troupes exercées, solides, à toute épreuve, et cela sans compter les milices moins disciplinées, telles que les gardes nationaux mobiles. Assurément il n’est pas de contrée au monde qui possède d’aussi puissantes réserves ; il faut seulement qu’elles soient organisées à temps. L’expérience de la guerre actuelle nous sera sans doute d’un grand secours. La paix venue, il faudra réorganiser nos forces militaires pour nous mettre à l’abri de semblables surprises pour l’avenir.

La marine joue ici un rôle moins prépondérant que l’armée de terre ; elle a cependant encore son importance indiscutable, elle est un appoint que l’on ne doit pas dédaigner. Grâce à elle, on peut jeter des troupes à l’improviste au centre du pays ennemi. Enfin, sans exercer d’action décisive, elle est un moyen puissant de diversion. Les progrès récens accomplis dans le droit des gens, les articles du traité de Paris, qui interdisent la course et qui réglementent le blocus, ont rendu sans doute les forces navales moins destructives et moins redoutables. D’un autre côté, les chemins de fer et les télégraphes permettent à la puissance menacée de s’opposer beaucoup plus facilement qu’autrefois à un débarquement. L’on ne peut transporter sur mer qu’un effectif restreint. Malgré ces obstacles nouveaux qui s’opposent de notre temps à l’action de la marine, il n’en est pas moins vrai que la menace d’une descente peut contraindre le pays attaqué à immobiliser le long de ses côtes des corps d’armée importans, qui se trouvent ainsi éloignés du principal théâtre de la lutte. Cette manœuvre peut être surtout efficace quand l’ennemi règne sur des territoires insoumis ou mécontens et de facile accès par la voie de mer. Il est alors loisible à la puissance maritime d’exciter des soulèvemens dans les provinces de son ennemie. Telle est dans notre siècle la seule fonction vraiment efficace des forces navales. Quant à bombarder des ports, ce n’est pas d’une utilité considérable. Les dommages qui peuvent être ainsi produits n’auront jamais aucune influença sur le sort d’une campagne. Ils causeront plus d’irritation que de faiblesse à l’état qui en sera