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et besoigneuse, où la dette hypothécaire est déjà considérable. Les impôts directs constituent en France 19,4 pour 100 des recettes de l’état et en Prusse 19 : c’est exactement la même proportion ; seulement il est un impôt que la Prusse a depuis longtemps et que nous n’avons pas, c’est l’impôt sur le revenu. Restent les impôts indirects, qui forment 37 pour 100 des recettes de la Prusse et 55 pour 100 des recettes de la France. C’est sur cette branche de ressources que devront le plus naturellement se greffer les augmentations de taxe que la guerre aura nécessitées. Combien cela sera-t-il plus facile en France qu’en Allemagne, où la population est pauvre, où la classe moyenne est très médiocre dans les villes et manque complètement dans les campagnes, tandis que chez nous l’aisance est le lot du grand nombre ! Des gens qui ont pour régime habituel du pain de seigle et de l’eau échappent nécessairement aux impôts de consommation, et telle est précisément la situation de l’immense majorité de la population prussienne, tel est même le régime des soldats. L’habileté du fisc ne peut rien contre un pareil état de choses. L’impôt sur la mouture existe déjà dans un grand nombre de villes allemandes. Ce qui est à prévoir comme conséquence de la guerre actuelle, c’est que le trésor prussien aura un mal infini à combler ses vides, et que dans les années prochaines l’émigration germanique pour les États-Unis prendra des proportions redoutables et inusitées. C’est d’ailleurs de toute justice : là où les taxes, le service militaire et les risques de guerre écrasent sans cesse et compromettent souvent la vie de l’homme, on ne peut espérer retenir les populations. Quelle que soit l’issue de la lutte engagée, alors même que, par impossible, le ravage de nos départemens de l’est resterait sans représailles et sans indemnité, la Prusse se ressentira encore plus que la France du contre-coup de la guerre. Toutes ces familles sans chefs, ce nombre immense de veuves et d’orphelins, ces établissemens industriels abandonnés depuis six semaines déjà par leurs directeurs et leurs employés, cette vie entière de la nation suspendue dès les premiers jours du conflit, constituent une crise terrible, dont un peuple, fût-il victorieux, aura peine à se relever.

Un des côtés par lesquels nous l’emportons le plus sur notre rivale, c’est le crédit, non que la Prusse ou ses confédérés aient des dettes considérables, mais l’on ne prête qu’aux riches, et tout le monde sait que les états allemands sont pauvres. L’ensemble de la dette prussienne s’élevait au commencement de l’année à 424,380,000 thalers, soit 1,591,458,000 francs. Les autres états d’Allemagne sont grevés en outre de charges qui peuvent être relativement lourdes : l’origine en remonte aux grands travaux de construction de chemins de fer et aussi aux arméniens faits par la confédération en 1859 et