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en 1866. La Saxe doit 182 millions de thalers ou 682,500,000 fr. ; la dette de la Hesse est de 15,621,000 thalers, soit 58,578,000 fr. Les états du sud ne sont pas dans une position meilleure. Le Wurtemberg paie annuellement 7 millions de florins pour le service de sa dette ; la Bavière, pour le même objet, emploie plus de 16 millions de florins par exercice budgétaire. En additionnant toutes ces charges diverses des états qui nous font la guerre, on voit qu’elles atteignent et dépassent même en capital le chiffre de 3 milliards et demi. Cela peut paraître insignifiant auprès du montant de notre dette consolidée, qui exige un service d’intérêts de près de 350 millions de francs, et qui, évaluée en capital nominal, dépasse 11 milliards ; mais il y a dans ces chiffres d’ensemble une sorte de mirage qui provient de ce que le taux de la rente française est de 3 pour 100, tandis que le taux des rentes allemandes est de 4 1/2 ou de 5 pour 100. À tout considérer, le service de notre dette consolidée demande seulement une somme double de celle que réclame le service des dettes qui grèvent les états allemands confédérés contre nous. Or l’immense supériorité de notre richesse sociale compense amplement cette différence. Tandis que le 3 pour 100 français a continuellement oscillé depuis plusieurs années entre les cours de 70 et de 75 francs, le 5 pour 100 prussien, dans les circonstances les plus favorables, s’est rarement tenu au-dessus du pair. Cela représente un écart d’environ 1 pour 100 dans les taux d’intérêt auxquels ces deux états peuvent emprunter. Supposons que la France et l’Allemagne aient besoin chacune d’un milliard pour subvenir aux frais de la guerre, la France le trouvera facilement, moyennant une charge annuelle et perpétuelle de 50 millions de francs ; l’Allemagne ne se le procurera qu’avec peine en payant 60 millions d’intérêts par année[1]. C’est là pour notre ennemie une grande cause de faiblesse, qui se fera d’autant plus sentir que la guerre aura plus de durée et coûtera davantage.

Ce n’est pas le seul crédit de l’état qui est supérieur chez nous,

  1. Les faits sont venus justifier nos prévisions. Tandis que M. de Bismarck, malgré les succès inattendus de la Prusse et l’apparente défaite de la France, n’a pu encore, après un mois, recueillir les deux tiers des 450 millions de son emprunt au taux de 88 francs le 5 pour 100, la France, au milieu des circonstances les plus critiques, quand l’ennemi marchait sur Paris, a trouvé en deux jours, sans sortir de chez elle, presque sans sortir de sa capitale, les 800 millions dont elle avait besoin, et cela au taux de 60 francs 60 centimes la route 3 pour 100. C’est pour la France une victoire réelle, qui doit nous faire espérer fermement celle de ses armes. Plus la lutte se prolongera, plus ces embarras de la Prusse se feront sentir. Il est impossible que dans quelques semaines l’organisation de l’armée allemande et son approvisionnement ne portent pas la trace de cette pénurie d’argent. Le premier échec précipiterait encore cette déconfiture financière de nos ennemis, dont la défaite fera la ruine irrémédiable.