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le revenu moyen de chaque Français et à 450 le revenu moyen de chaque Prussien. Nous croyons à un plus grand écart entre les situations des deux pays. Ce n’est pas que l’agriculture allemande ne semble valoir la nôtre pour beaucoup de productions. Il résulterait dès données statistiques que le rendement moyen du froment par hectare est de 14 hectolitres en France et de 19 en Prusse, il paraîtrait d’un autre côté que sur 1,000 hectares notre pays nourrit seulement 346 têtes de gros bétail, tandis que la Prusse en entretient 369 sur la même surface ; mais il faut retourner et expliquer ces chiffres. Si le froment a un rendement moyen supérieur chez nus ennemis, c’est assurément parce qu’ils ne sèment cette céréale que dans les terrains de choix presque exceptionnels, et qu’ils cultivent en seigle la plus grande partie de leur sol. Ce n’est d’ailleurs pas là une hypothèse, car l’on sait qu’en Allemagne le gros de la population ne se nourrit pas de pain de froment. Il faut remarquer en outre qu’apprécier la situation de l’agriculture dans un pays par le nombre de têtes de gros bétail, c’est un moyen bien imparfait. Les vaches maigres ne peuvent valoir les vaches grasses ; un pays de communaux et de vaine pâture peut présenter un effectif notable de bestiaux sans qu’il soit possible d’en tirer aucune conclusion sérieuse. Enfin on doit tenir compte des produits raffinés, qui ont tant de prix, et qui, en France beaucoup plus qu’en Prusse, occupent une notable partie de la terre. D’après une moyenne de neuf ans (1858-1867), la France récolte annuellement 54 millions d’hectolitres de vin, tandis que la Prusse proprement dite est restreinte à 340,000 hectolitres, Bade et la Hesse à 300,000, le Wurtemberg à 413,000, la Bavière à 561,000 ; c’est pour toutes ces contrées réunies moins de 1,700,000 hectolitres, à peine le trentième de notre production. Il faut prendre en considération également toutes les cultures industrielles du nord ou du midi de la France, exploitations prospères qui d’année en année se répandent davantage, et que le plus grand nombre des provinces allemandes ignorent. Il suffit de jeter un coup d’œil sur les tableaux de douanes des deux contrées pour constater l’immense supériorité de la France. Notre commerce spécial en 1866 montait à 6 milliards 349 millions de francs, celui du Zollverein à la même époque atteignait seulement 3 milliards 814 millions ; ce qui est encore plus consolant, en dix ans il y avait eu doublement chez nous et seulement augmentation de moitié chez nos voisins. L’on trouve des écarts analogues à notre avantage, si l’on consulte la situation respective des grandes industries textiles. En France, les filatures de coton comptent 6,750 000 broches ; dans tout le Zollverein, elles n’en offrent que 2,500,000. Pour le lin, il y a 624,000 broches en France, et moins de 250,000 dans le