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serment de fidélité. Le duc de Parme était proche parent du roi d’Espagne, du roi de France, du roi des Deux-Siciles ; aussi à cette nouvelle les rois de France et d’Espagne se déclarèrent personnellement insultés, et demandèrent que le bref fût retiré. Le roi de France, en attendant, mit la main sur Avignon. Pombal ; lui, réunit sur-le-champ le conseil d’état pour qu’il donnât son avis sur un acte qui intéressait tous les trônes. L’avis, dicté par Pombal, fut de faire cause commune avec la France et l’Espagne pour obtenir l’annulation du bref et l’abolition de la compagnie de Jésus, et, en cas de refus, d’occuper avec les forces des trois nations les états du pape. Il parut tout naturel alors aux puissances intéressées de faire près de la cour de Rome la démarche relative à l’abolition. L’ambassadeur de France, M. d’Aubeterre, en fut chargé. Il demanda une audience au saint-père, et lui remit un mémoire où les trois cours de la maison de Bourbon, France, Espagne et Naples, exigeaient l’abolition de l’ordre. Clément XIII, saisi de stupeur, resta, dit M. Gomès, sans parole, sans regard ; quelques jours après, il mourut subitement. Son successeur fut Ganganelli, qui prit le nom de Clément XIV. Le 23 juillet 1773, il publia le bref Dominus redemptor, qui abolissait la société de Jésus ; mais ce ne fut pas sans peine qu’on l’y décida. Des trois ambassadeurs qui étaient supposés agir de concert, celui qui aurait dû avoir plus d’influence que les autres, parce qu’il représentait la puissance prépondérante, le cardinal de Bernis, se comporta comme un esprit léger et vain qu’on satisfaisait avec des flatteries et des caresses ; mais celui d’Espagne, Monino, plus connu sous le titre de comte de Florida-Blanca qui lui fut conféré plus tard, était un homme d’une grande fermeté. Clément XIV n’ignorait pas que c’étaient les cardinaux espagnols qui avaient fait son élection, et Monino sut le lui rappeler sans le blesser. C’est donc Monino plus que personne qui détermina le saint-père à signer le bref d’abolition. Le ministre portugais, à la dernière heure, resta sur le second plan » Il y fut forcé par le cardinal ambassadeur de France, qui se refusa à l’admettre aux conférences sans fin tenues par les représentans de la maison de Bourbon. Il s’en consola en homme d’esprit. Il dit à Monino qu’il aimait mieux rester chez lui que d’y assister pour entendre constamment dire d’un côté : Per omnia sœcula sœculorum, et de l’autre : Amen.


III

Pendant qu’il poursuivait cette victoire sur la société de Jésus, Pombal avait trouvé le temps de procéder à des réformes intérieures. Il avait consacré des efforts intelligens à relever l’enseignement public, qui était bien déchu. En 1759, les jésuites étant