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de guerre commandés par l’amiral Boscawen en capturant sur la côte, près de Lagos, des navires français sous les ordres de M. de La Clue[1]. L’Espagne lui ayant déclaré une guerre injuste, il la soutint avec avantage. Malgré la grande supériorité de leurs forces, les Espagnols, qui avaient envahi le sol portugais, ne purent rien conquérir et durent se retirer piteusement. À cette occasion, Pombal sut donner à l’armée une organisation bien meilleure que celle qu’elle avait auparavant. Il garda son rang aussi vis-à-vis de la France. Par lui enfin le petit royaume lusitanien acquit dans le monde une grande considération.

Cependant le roi, sans être avancé en âge, s’approchait du tombeau. Après quelques attaques d’apoplexie, il succomba le 20 février 1777, laissant le trône à une princesse disposée à écouter les ennemis de Pombal, sa fille doña Maria. Il avait soixante-deux ans, et Pombal soixante-dix-huit. En mourant, le roi remit à sa fille une lettre qui devait lui servir d’instruction. Cette pièce, que M. Gomès publie, n’offre rien de remarquable, si ce n’est que Pombal n’y est pas même nommé. M. Gomès s’en montre étonné ; c’est un étonnement que peu de personnes partageront. Pombal avait accompli de grandes choses sous ce règne de vingt-sept ans ; mais aussi bien c’étaient vingt-sept années de contrainte qu’avait subies le roi. La volonté du ministre s’imposait à celle du prince et lui avait souvent fait violence. Joseph Ier avait accepté cet effacement personnel qui lui laissait le loisir de suivre ses goûts dans la vie privée et le dégageait des affaires, qu’il n’aimait pas. Son orgueil de souverain avait lieu de se complaire à ce qu’un autre, mieux qu’il ne l’eût pu lui-même, maintînt au dehors et au dedans la dignité de sa couronne ; mais il portait un joug, et il était naturel qu’à la fin il en fût fatigué. Le silence qu’il garde sur Pombal dans son espèce de testament est l’aveu de cette lassitude.

A peine le roi eut-il fermé les yeux que la réaction contre Pombal commença ; ce ministre si fier, si hautain, devait, pendant les années qui lui restaient à vivre, éprouver bien des désappointemens, dévorer bien des affronts, passer par bien des craintes, le ministre des affaires étrangères, celui de ses collègues sur lequel il comptait le plus, le cardinal da Cunha, lui dit le jour même de la mort du roi : « Vous n’avez plus rien à faire ici, retirez-vous. » Cependant au premier moment, la reine lui conserva son ministère de l’intérieur ; mais il avait cessé de diriger les affaires, et il vit détruire une partie de son ouvrage. D’abord les mesures adoptées à l’encontre des siennes méritèrent d’être applaudies. Le tribunal de l’inconfidence, dont il avait tant mésusé, fut aboli. Les portes des

  1. M. Gomès fait observer que l’Angleterre profita de cette ambassade pour se faire attribuer des avantages commerciaux.