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fortifications. Certes il est indispensable que Paris offre à sa population malade ou blessée un refuge transitoire dans des infirmeries ou des hôpitaux ; mais toute maison hospitalière qui a un caractère exclusif de permanence, qui est un asile définitif, qui abrite pour toujours la vieillesse et les infirmités, doit être reportée au loin, à la campagne. On avait pu croire un instant que les 31 hectares de la Salpêtrière, situés à proximité de la Seine, qui amène les crus de Bourgogne à la porte de la gare du chemin de fer d’Orléans, facilement reliés à l’aide du pont Napoléon au chemin de fer de Lyon, par qui arrivent les vins du midi, verraient s’élever le nouvel entrepôt des liquides. On n’a pas voulu déranger les habitudes traditionnelles, et Bercy tout entier est destiné à devenir l’entrepôt. Est-ce à dire que la Salpêtrière doit être immobilisée dans la destination actuelle et rester éternellement l’hospice des vieilles femmes ? Nous ne le croyons pas.

Notre École de médecine est manifestement insuffisante et trop étroite aujourd’hui : elle s’ouvre au milieu d’un quartier resserré, coupé de ruelles qui n’offrent que des débouchés dérisoires ; en outre l’École pratique de médecine, établie tant bien que mal dans l’ancien couvent des cordeliers, est forcément pour la population environnante un foyer d’infection qui, pendant l’été surtout, devient parfois insupportable. Les pavillons d’anatomie, pleins de cadavres en décomposition, versent la peste autour d’eux. Il serait digne de la France, qui paraît commencer enfin à se préoccuper sérieusement de l’enseignement supérieur, de la nation qui a compté parmi ses gloires un corps médical unique au monde, de donner aux écoles théorique et pratique de médecine une ampleur réclamée depuis longtemps. Si jamais l’on se décidait à mettre ces deux établissemens en rapport avec notre civilisation, nul emplacement ne serait plus favorable que celui de la Salpêtrière ; là, on pourrait bâtir, à côté des salles réservées aux cours des professeurs, des pavillons de dissection, un musée pathologique, une bibliothèque, un hôpital clinique, une école de pharmacie, centraliser en un mot dans une vaste institution tout l’enseignement scientifique auquel le voisinage du Jardin des Plantes et des précieuses collections qu’il contient donnerait un caractère général vraiment imposant. Un tel projet ne rencontrerait certainement aucune opposition chez les intéressés ; l’assistance publique, la ville de Paris, les ministères compétens, y donneraient volontiers les mains, et cependant on peut affirmer qu’il ne se réalisera point, car il exigerait une dépense dont nul budget ne consentira sans doute à accepter la responsabilité.


MAXIME DU CAMP.