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la Méditerranée, l’Oreto mit le cap sur Nassau. Après y être resté quelques semaines soumis à une étroite surveillance de la part des autorités anglaises, il voulut se rendre à La Havane ; mais les hommes de l’équipage, que l’on avait engagés en Angleterre pour aller en Sicile, se prétendirent trompés et refusèrent de partir. Les juges décidèrent en effet que leurs engagemens étaient nuls. Le tribunal maritime de la colonie soumit alors l’Oreto à une enquête, sur la demande des autorités militaires de l’île. Il fut impossible de découvrir à la charge du capitaine de ce navire aucune contravention contre les lois maritimes. Au fond cependant, il avait été construit pour le gouvernement confédéré sur les ordres du capitaine Bullock, et, depuis sa sortie de la Mersey, il attendait sans succès une occasion de prendre son armement. Il sortit enfin de Nassau avec un nouvel équipage, et, au lieu de se rendre à La Havane, comme c’était annoncé, il rejoignit près d’un îlot désert de l’archipel des Bahamas un autre bâtiment parti de la Nouvelle-Providence presque en même temps, et qui lui apportait son armements Le capitaine Maffit, à qui le commandement était dévolu, arbora le pavillon confédéré et baptisa son bâtiment du nom de la Florida. Par malheur, l’équipage, déjà trop faible, fut décimé par la fièvre jaune ; il n’y avait pas moyen de tenir la mer. Le capitaine Maffit se dirigea bravement vers Mobile et y entra en plein jour avec cinq hommes valides seulement, après avoir reçu, sans y répondre, les bordées de trois vaisseaux du nord qui gardaient le blocus. Peu de mois après, la Florida, réparée et convenablement équipée, sortait de Mobile pour commencer sa croisière.

Les constructeurs anglais fournirent bien d’autres navires de guerre aux confédérés, et, malgré les avis que M. Adams donnait de temps en temps au gouvernement britannique, ces navires déjouaient presque toujours la surveillance des officiers de la douane. En avril 1863, M. Adams signalait un bateau à vapeur nommé le Japan, qui allait quitter la Clyde à destination d’Alderney. Aussitôt on prescrit aux autorités du port de procéder à une visite, et l’on constate que c’est un bâtiment nouvellement construit, semblable aux navires de commerce de même grandeur, qu’il part avec 48 hommes d’équipage, sur lest, à destination de Singapore, et que rien dans son armement ne permet de soupçonner que ce soit un vaisseau de guerre ; mais le Japan, après cette visite, au lieu de se rendre à Singapore ou à Alderney, gagne la côte de France au large de Morlaix. Il y rencontre un petit bateau à vapeur anglais qui lui livre des fusils, des canons et un capitaine. En trois nuits, les deux navires transbordent tranquillement leur matériel. Cela fait, le capitaine endosse son uniforme, déclare aux matelots qu’il se met en