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refluer vers Paris et ont recueilli déjà dans leurs rangs tout ce qui a échappé au désastre de Sedan. Ralliée, recomposée et massée sous nos murs, cette armée est prête à s’élancer partout où le péril l’appellera. De tous les points de la France, la garde mobile est accourue pleine de résolution et d’entrain, et la garde nationale parisienne, formée de tout ce qui peut porter le mousquet, est maintenant armée pour le combat. Ce n’est certes pas un coup de main, si audacieux, si puissamment organisé qu’il puisse être, qui triomphera de ces masses enflammées de passion patriotique ; ce sera une défense opiniâtre, acharnée, disputant pied à pied le terrain. Les exemples qu’ont donnés de petites places comme Phalsbourg et Toul, de malheureuses villes comme Strasbourg, Paris les renouvellera, et pendant ce temps des armées nouvelles dont les élémens sont tout trouvés, puisque les contingens existent, ces armées se formeront, se réuniront sur la Loire et pourront entrer en campagne ; notre matériel sera reconstitué. Les corps francs qui se multiplient iront harceler l’ennemi. On a cru que la guerre était finie ; c’est maintenant peut-être qu’elle commence, en changeant de caractère, en devenant la lutte à outrance d’une nation pour son indépendance et son intégrité.

L’essentiel est que le gouvernement de la défense nationale, puisqu’il s’appelle ainsi, mérite ce beau nom qu’il a pris en s’élevant à la hauteur de cette crise suprême qu’il n’a pas créée, dont il a reçu le terrible héritage, mais à laquelle il est aujourd’hui en devoir de faire face. Ce n’est plus le moment, en vérité, de perdre son temps à renouveler le personnel des fonctionnaires, de s’embourber dans toutes les routines administratives ou révolutionnaires, il n’y a qu’une marche à suivre : organiser l’action du pays, envoyer au besoin dans les départemens des agens résolus et vigoureux dont le patriotisme soit le seul mot d’ordre, faire appel à toutes les initiatives, à toutes les bonnes volontés, aux activités individuelles, à l’industrie privée, qui peut être si puissante et si efficace pour les armemens, pour la reconstitution de notre matériel ; mais il ne faut pas croire que tout cela puisse se faire sérieusement dans la confusion et le désordre, c’est au contraire par une impulsion nette et sûre, par un ordre énergique, par une fermeté décisive, qu’on peut seulement tirer du pays tout ce qu’il contient de forces et de ressources.

Ce qu’il faut aussi avoir sans cesse en vue, c’est d’éviter tout ce qui pourrait jeter l’incertitude dans les esprits et altérer cette union patriotique à laquelle on était convenu de subordonner tout le reste dans les derniers jours du régime déchu, et qu’on doit à bien plus forte raison s’efforcer de maintenir dans les conditions plus extrêmes où nous nous trouvons placés. Comment veut-on que cet élan national garde sa vertu et son efficacité au milieu de faits comme ceux qui se passent à Lyon ? Dans cette grande ville il y a en vérité deux pouvoirs, un comité de