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se donner un chef, et que ce chef est adopté par les autres districts) prend le titre de Tui-Atua ; il est choisi dans une famille particulière, celle des Mala-Afu. Au centre, le Tuamasaga, qui, outre la ville semi-européenne d’Apia, a pour capitale Satuisamau, dont le chef est pris dans la famille Maliétoa. Le nom de cette famille, par une exception qui prouve sans doute sa supériorité d’origine, remplace celui de Tui-Tuamasaga. A l’ouest, Ana, qui a pour capitale Leulumoéga, dont le chef élu prend le titre de Tui-Ana-Sevaï, se divise en deux provinces, réunion de plusieurs districts. L’une a pour capitale Sofalofaï ; l’autre, Saleula-Tutu-ïla, prend généralement parti pour la province d’Atua, quand ses districts sont consultés dans les affaires générales qui se règlent à Satuisamau. Quant à la petite île de Manomo, elle flotte suivant ses intérêts dans la plus complète indépendance, et le plus souvent, forts de leurs nombreuses pirogues de guerre et de leur habileté aux choses de la mer, ses chefs prétendent au premier rang dans toutes les affaires extérieures.

La marque distinctive de la souveraineté est le pouvoir d’établir des lois. Chaque district peut avoir les siennes. Les divisions que nous venons d’exposer indiquent l’ensemble des districts ayant accepté les mêmes lois après les avoir discutées en assemblée générale. C’est la seule autorité devant laquelle se courbe le guerrier samoan. Toutefois, quand le besoin d’une action commune se fait sentir, en face d’un danger public, pour la conduite d’une guerre dont le succès intéresse toute la population, il peut arriver que chacune des provinces élise pour chef le même personnage, et que ce chef soit à la fois Tui-Atua, Tui-Ana et Maliétoa. Alors, mais alors seulement, il est pour sa vie entière le chef reconnu de tout l’archipel, et son autorité devient légitime dans tous les districts des trois provinces. A sa mort, chaque district, chaque village reprend ses droits. Au fond, c’est là une théorie plus qu’une réalité. Tel est l’esprit d’individualisme de cette race, que, dans les rangs mêmes de l’armée réunie à Apia dans une entente commune et commandée par les chefs élus des trois provinces, chaque guerrier n’agissait qu’à sa guise, de même que, dans les conseils fréquens que nécessitait cette absence de toute discipline, il maintenait son opinion contre celle de ces mêmes chefs avec une indépendance absolue. En fait, chaque district, chaque village, chaque chef de famille se regarde comme indépendant, et n’agit que par ses propres inspirations.

Les relations entre les diverses provinces, entre les îles même les plus éloignées da l’archipel, sont très fréquentes. Le moindre événement est une occasion de voyages auxquels prend part la population entière d’un même village. Chaque district a ses pirogues