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prêtre que tant de périls menaçaient. Aux heures d’angoisse et de désespérance, elle lui fut cet appui dont les esprits les plus fortement trempés ont peut-être besoin pour ne pas s’avouer vaincus. Le nom de Toukangahala, le jeune chef qui le premier sembla croire au missionnaire, tient plus de place dans ces récits que celui de la jeune Amélie ; mais tous deux contribuèrent également au triomphe rapide des idées chrétiennes dans ce milieu, où tout leur était hostile. Touhangahala n’obéit qu’à ses ambitions vulgaires en embrassant la foi nouvelle. Cette conversion ne fut pour lui qu’un moyen politique, et il n’y conforma que bien plus tard sa vie privée ; mais son exemple entraîna le village de Mua, dont il était le chef, et ses nombreux partisans dans l’île. Tous dès lors furent dans la main de l’évêque. Amélie, nièce du roi Lavelua, inclina d’abord son cœur à la clémence, et le christianisme fut toléré. Sa mère, qu’elle avait convertie, monta sur le trône, et l’œuvre des missionnaires fut assurée. Aujourd’hui elle a succédé à sa mère. Toujours pieuse, toujours dévouée à cette religion qui charma sa première enfance, aux hommes qui en sont pour elle les représentans sacrés, elle leur a remis son autorité tout entière, et les Wallis sont devenus une colonie catholique.

Quand, après avoir doublé le cap Horn, on s’avance dans le Pacifique, en le remontant au nord-ouest, vers les archipels polynésiens, les premières terres qui apparaissent sont les îles rocheuses de Magareva, sentinelles avancées de l’Archipel Dangereux ou des Pomotou[1]. Les îles basses de cet archipel apparaissent ensuite comme autant de jalons de la route qui de Magareva conduit à Taïti, longtemps la reine de ces régions, reine charmante et gracieuse, bien faite pour enchanter les voyageurs par la beauté changeante de ses paysages, mais non pour séduire ces hommes à l’esprit pratique, aux vues positives, qui s’inquiètent avant toute chose des moyens de s’enrichir. Ni Taïti et ses vassales les Pomotou, ni Magaeêva et les rochers stériles qui forment l’archipel des Gambiers ne répondent à de tels désirs. Cependant, lorsque le pavillon de la France fut déployé sur les îles, quelques aventuriers, entraînés par le mouvement qui se fit autour d’elles, vinrent y tenter la fortune. Les Gambiers avaient, disait-on, d’abondantes pêcheries de nacre et de perles ; quelques-uns d’entre eux s’établirent aux Gambiers pour exploiter cette source de profits ; mais aussi à quelles conditions furent-ils admis ! Il est vrai que ces conditions, très restrictives, n’émanaient pas du gouvernement seul des Gambiers, des

  1. Une décision prise pour favoriser les prétentions des habitans de l’archipel a fait changer officiellement ce nom de Pomotou (conquises) en celui de Tuamotou (lointaines). Annuaire de Taïti, p. 103.