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savent modifier cette institution, le crédit agricole se trouvera promptement dans de bonnes conditions.

L’agriculture peut-elle tirer quelque profit de cette nouveauté qui a tant fait de bruit en Allemagne sous les noms d’Associations d’avances (Vorschuss-Verein), Banques du peuple (Volks-Banken), Banques d’avances (Vorschuss-Banken), et en France sous les noms de Sociétés de crédit mutuel, ou encore de Sociétés coopératives pour le crédit ? On s’est fait chez nous de grandes illusions sur les résultats de l’heureuse idée à laquelle est attaché le nom de M. Schultze-Delitsch. Les uns y ont vu la panacée qui doit guérir tous les maux, et d’autres, cédant à une prévention sans examen, ont refusé de reconnaître ce qu’elle avait de sérieux et d’utile. Essayons de voir quelle est au juste la portée de cette espèce d’association.

Les sociétés de crédit mutuel sont instituées pour réunir de petites épargnes provenant de cotisations mensuelles ou hebdomadaires, en former un capital et prêter aux associés les sommes dont ils pourraient avoir besoin pour acheter des habits, pour se procurer des outils, ou enfin pour parer à toute dépense relativement considérable. C’est donc une combinaison naturellement destinée à ceux qui commencent leur fortune par le travail et l’économie. Les sociétés coopératives pour le crédit ne peuvent pas dépasser la mesure des petites avances, puisqu’elles opèrent avec un capital qui ne pourrait ni servir ni garantir des prêts importans. Elles occupent un degré un peu au-dessus des sociétés de secours mutuels. Celles-ci na sont que des associations d’assurance contre les maladies, tandis que celles-là fournissent aux associés le moyen de déployer leur activité pendant qu’ils sont en santé. Évidemment les petits cultivateurs qui sauraient s’associer pour former un fonds social pour prêter à ceux qui auraient besoin d’acheter des semences ou des outils trouveraient dans cette association les moyens de se procurer un crédit proportionné à l’étendue de leurs affaires ; mais on ne saurait trop répéter, afin de détruire les plus funestes illusions, que les sociétés coopératives, sauf de rares exceptions, ne peuvent pas dépasser la mesure des affaires de faible importance. Bien que ces sociétés soient fort nombreuses en Prusse, elles n’y ont pas fait avancer le problème du crédit agricole, s’il faut en juger par l’état de l’agriculture dans les provinces du Rhin comparée à celle des provinces de l’est. Dans les premières, l’agriculture est progressive, et les cultivateurs n’éprouvent aucune difficulté pour trouver l’argent dont ils ont besoin, tandis que dans les secondes l’argent est si difficile à trouver qu’on ne l’obtient pas toujours, même en offrant caution ou garantie hypothécaire. Le développement des sociétés coopératives n’a pas, jusqu’à présent du moins,