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voudrait s’exposer aux désagrémens qu’entraînent les retards dans le service des intérêts et les poursuites en paiement du capital.

Nous attendrions de meilleurs effets d’une réforme qui simplifierait la procédure de la saisie immobilière. Il n’y aurait qu’à généraliser les dispositions du décret du 28 février 1852, qui, sous ce rapport, ont fait au Crédit foncier une situation exceptionnelle. Si cette simplification a été trouvée bonne dans certains cas, il n’existe vraiment aucune raison pour ne pas en faire la loi commune. Cependant, et bien que cette réforme mérite d’être approuvée, nous doutons qu’elle imprimât une vigoureuse impulsion au crédit agricole. Ce qui nous fait douter, c’est que le Crédit foncier n’a pas tiré de cette législation privilégiée un moyen d’étendre ses opérations avec la clientèle rurale. D’après tous les renseignemens, les administrateurs de la compagnie verraient sans peine ce qui est l’exception devenir la règle.

Pour se rendre un compte exact des causes qui éloignent les capitaux de l’agriculture, il faut rechercher ce qui les pousse dans une autre direction. L’industrie et le commerce ne se contentent pas de la sûreté du capital ; ils exigent rigoureusement l’exactitude des paiemens à l’échéance, et cette échéance n’est pas longue. Le capital n’est pas engagé pour longtemps, car tous les trois mois le créancier en recouvre la libre disposition. Aussi le commerçant qui ne paie pas est-il mis en faillite, alors même qu’il aurait de quoi payer dix fois le montant de ses billets. Tant de rigueur était nécessaire, parce que l’interruption des paiemens sur un point peut causer les plus déplorables perturbations. Ainsi ce qui attire les capitaux vers l’industrie et le commerce, c’est l’exactitude des paiemens, c’est la facilité du service des intérêts, c’est la rapidité avec laquelle le capital peut être réalisé. Prises à l’inverse, les mêmes causes éloignent l’argent de l’agriculture. Pour s’en convaincre, on n’a qu’à observer la position de la culture industrielle telle qu’on la pratique dans les départemens. voisins de Paris et particulièrement dans le nord. Le fermier qui joint à ses opérations ordinaires une distillerie, une sucrerie, contracte les habitudes de l’industrie en matière de crédit ; il paie exactement à l’échéance, ne fait pas attendre les intérêts, et souscrit des billets escomptables. Aussi trouve-t-il à emprunter avec la même facilité que le commerçant, et pour lui le crédit agricole n’est pas autre chose que le crédit général. Quel banquier ne voudrait le compter au nombre de ses cliens, et qu’a-t-il besoin qu’on crée des banques agricoles ? Tout ceci est confirmé par ce qui se passe dans le département de Seine-et-Marne. Une compagnie s’est fondée à Melun sous le patronage du Crédit agricole ; elle est arrivée à un mouvement d’affaires qui s’est élevé à 30