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location des maisons qu’ils réservaient pour leur famille ; mais supposons que cette décision des propriétaires ait pour effet d’attirer une augmentation de locataires demandant des logemens, la cherté reprendra le niveau qu’elle avait au moment de la résolution des propriétaires. C’est l’image de ce qui se passe en matière de banque. Le crédit dilate les capitaux, et, en faisant circuler de l’argent qui se tenait immobile, il opère comme une augmentation de capitaux offerts ; mais il correspond à un accroissement d’affaires qui multiplie la demande et relève le taux de l’intérêt momentanément diminué. Ce qui fixe le loyer de l’argent, c’est moins la masse du papier ou même du numéraire en circulation que le profit moyen des industries, c’est-à-dire les sommes que les capitalistes pourraient se procurer en faisant eux-mêmes valoir leurs fonds dans le commerce et l’industrie. Notre proposition est démontrée jusqu’à l’évidence parce qui se passe en Australie et en Californie. Nulle part les matières d’or et d’argent ne sont plus abondantes, et nulle part cependant le loyer de l’argent n’est aussi élevé. Bien qu’à première vue ce fait soit étrange, il est facile de s’en rendre compte. Celui qui prêté à intérêt fixe pourrait employer ses fonds d’une manière plus productive en achetant des outils et payant des ouvriers qui détacheraient des placers le métal précieux ou le pécheraient dans les fleuves aurifères. Plus l’emploi direct serait rémunéré et plus aussi s’élèverait le taux de l’argent, car il est naturel que le capitaliste n’abandonne la disposition de ses fonds que pour une rémunération proportionnée aux profits industriels qu’il pourrait réaliser. Il en est de même dans tous les pays, quelle que soit l’abondance du numéraire en circulation. Le capitaliste, trouvant à faire de ses fonds un emploi très profitable, ne les place à rente fixe que moyennant une annuité relativement élevée. Là où le loyer serait trop bas, il aimerait mieux faire valoir lui-même ses capitaux soit en fondant quelque entreprise, soit en commanditant des affaires. Tant que le commerce et l’industrie donneront des dividendes considérables, l’argent sera cher pour l’agriculteur aussi bien que pour le commerçant, parce qu’il est naturel qu’il prenne la direction la plus avantageuse. Pourquoi dans les périodes de stagnation, lorsque les espèces et les lingots affluent à la Banque, l’argent est-il à bon marché ? C’est que, les entreprises chômant, les prêts sont très offerts et peu demandés. Au reste, lorsque le numéraire est rare, le capital ’a, il est vrai, une plus grande valeur ; mais l’intérêt payé à 5 pour 100 représente aussi en temps de rareté plus qu’il ne vaudrait en temps d’abondance : 5 pour 100, lorsque la circulation est contractée, valent les 7 et 8 pour 100 que rapporte l’argent dans les périodes de prospérité.