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et à grande eau depuis ; le rez-de-chaussée jusqu’aux mansardes. En temps d’épidémie, les premières victimes sont les habitans des hôtels borgnes et des locaux malpropres. Il faut se débarrasser de toutes les substances corrompues ou près de se corrompre et de tous les résidus de cuisine. La municipalité s’est arrangée de façon à maintenir dans son intégrité le service des véhicules d’enlèvement. C’est ici qu’il faut une régularité continue. Il est à souhaiter de plus qu’elle fasse surveiller par des agens spéciaux l’état des maisons et principalement de celles que leur destination peut rendre suspectes. Les cloaques et autres foyers d’infection doivent être assainis à fond. Enfin une autre précaution plus urgente que jamais, et qu’il faut recommander vivement dans l’intérêt de la santé de tous, c’est la vaccination : des cas de variole se sont déjà présentés dans l’armée ; ne les laissons pas se multiplier, et pour cela vaccinons en masse, avec célérité mais aussi avec le plus grand soin.

Dès les premiers jours du mois de septembre, le gouvernement de la défense nationale a prévenu la population parisienne qu’il y avait dans la ville de quoi subvenir largement à la nourriture de deux millions de personnes pendant deux mois. On peut aujourd’hui augmenter hardiment cette période de moitié, si l’on songe à tout ce qui est entré depuis et aux moyens divers d’économiser ce qu’on a, car la question est aujourd’hui dans l’économie, dans l’épargne. Il faut renoncer maintenant au gaspillage des jours de luxe, à la prodigalité des heures où la fortune semblait nous sourire, et compter la nourriture avec autant de parcimonie que l’argent. Pour ce qui est de la farine, le gouvernement nous paraît avoir sagement agi en se réservant l’acquisition de cette denrée de première nécessité. La viande devrait être très abondante, vu les quantités énormes de bétail qu’on a pris soin d’accumuler à Paris[1] ; il n’y a ici qu’une chose à craindre, c’est que ces animaux ne maigrissent trop rapidement dans les conditions un peu anormales où ils se trouvent. Aussi plusieurs personnes proposent-elles d’en tuer une certaine quantité pour les saler, ce qui remédierait à plus d’un inconvénient, et aurait en outre l’avantage de réaliser une grande économie de fourrages. Il ne faut pas oublier en effet que nous avons beaucoup de chevaux à nourrir, et que ces bêtes peuvent, à un moment donné, devenir précieuses pour l’alimentation même. Déjà du reste un certain nombre de boucheries de viande de cheval ont été ouvertes par les soins de nos hygiénistes.

Le rétablissement provisoire de la taxe de la boucherie et de la boulangerie assurera dans des conditions régulières et modérées le débit du pain et de la viande. Des difficultés se sont élevées dès le début sur

  1. Le Bulletin de la municipalité de Paris nous apprend qu’il y avait dans Paris, le 25 septembre, 24,600 bœufs, 150,000 moutons et 6,000 porcs.