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L'INVASION
EN ALSACE

Les deux journées de Wissembourg et de Reischoffen, grosses de tant de désastres pour notre pays, livrèrent du premier coup l’Alsace surprise et désarmée à toutes les horreurs de l’occupation étrangère. Envahi le 4 août, le département du Bas-Rhin fut en grande partie occupé dès le 6 du même mois, et si complètement séparé de la France qu’il devint depuis lors impossible d’y envoyer aucun secours sérieux. Ainsi abandonnée, cette noble contrée ne s’abandonna pas elle-même. Les soldats, les hommes armés s’enfermèrent dans les places fortes et se préparèrent à s’y défendre jusqu’à la mort. De tous les glorieux épisodes de cette triste guerre, aucun n’a plus ému notre patrie que la résistance de Strasbourg, que l’énergie de la garnison et la constance des habitans au milieu de tant de maux. Dès qu’on connut à Paris ce qu’ils souffraient, ce qu’ils savaient supporter pour la France, le peuple parisien, dans un élan spontané d’admiration et de reconnaissance, se porta en foule vers la place de la Concorde et alla couvrir de drapeaux et de couronnes la statue qui représente la ville de Strasbourg.

Les Alsaciens présens à Paris se réunirent de leur côté au nombre de plus de 2,000, ouvrirent une souscription en faveur des victimes du siège, et prouvèrent à l’Allemagne par l’énergie, par l’unanimité de leur résolution, que tous les enfans de l’Alsace préféreraient le sort des Strasbourgeois à la perte de leur nationalité. Beaucoup de villes en France s’associèrent aux manifestations de Paris, comme pour témoigner de la patriotique union de toutes nos provinces en face de l’étranger. Nous voulons à notre tour honorer une province généreuse en racontant au pays les maux qu’elle vient d’endurer,