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LES
FORTIFICATIONS DE PARIS

ESSAI D’HISTOIRE CONTEMPORAINE


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Si Paris n’était pas fortifié, les bataillons de l’armée allemande défileraient aujourd’hui avec arrogance sur nos boulevards au milieu d’une population muette et consternée. L’âme déchirée, nul de nous ne pourrait échapper aux éclats retentissans des fanfares prussiennes ; on se raconterait à voix basse que vers les extrémités de la ville des hommes de cœur surexcités par le désespoir ont lutté avec rage contre les premières troupes de l’avant-garde ; il se trouverait des gens pour blâmer cette conduite, pour répéter qu’une ville ouverte doit gémir en silence, subir sans se plaindre les plus durs traitemens, faire plier ses révoltes devant son impuissance, et que seule entre toutes les forces vives d’un pays, lorsque le sol est envahi, elle est privée du droit de se défendre. C’est alors que les humiliations de Sedan eussent dépassé tout ce que racontent nos annales. Ce n’eût point été assez de nos armées anéanties, de masses étrangères dévastant nos plus riches provinces ; la capitulation du 2 septembre eût donné Paris aux troupes victorieuses du roi Guillaume, et si la France, affolée de douleur, avait voulu prolonger une lutte peut-être sans espérance, il aurait failli demander aux provinces du centre, devenues comme sous Charles VIInotre dernier refuge, de continuer la guerre au prix d’un suprême effort.

Mais Dieu n’a pas voulu que nous fussions jetés ainsi dans ce abîme de maux. Il y a trente ans, tandis que la France se livrait aux travaux de la paix, des patriotes éclairés se sont trouvés qui, pressentant en quelque sorte l’avenir, ont su mettre Paris à l’abri d’un coup de main en l’entourant de la double cuirasse qui fait aujourd’hui notre force, et fera sans doute notre salut. Que d’attermoiemens et d’obstacles eut cependant à subir cette œuvre éminemment