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nationale dont chacun à cette heure sent si bien le prix ! Maintenant que les premiers coups de canon ont retenti sous Paris, peut-être se reportera-t-on volontiers et non sans intérêt à cette époque où s’agitait une question devenue, par suite de nos derniers revers, une question de vie ou de mort.


I.

Il n’entre pas dans les limites de cette étude de rappeler les sièges que Paris a vaillamment supportés. À partir de l’entrée d’Henri IV les fortifications de Paris, détruites sur plusieurs points, cessèrent d’être entretenues. Au milieu du XVIIe siècle, les fossés étaient presque comblés, et l’enceinte ne présentait plus une suite continue. Il n’est pas difficile d’expliquer comment l’indifférence publique laissait s’écrouler ainsi les ouvrages qui avaient si longtemps défendu la ville. Le siège soutenu contre le chef de la maison de Bourbon rappelait les plus mauvaises passions de la ligue. Dans la mémoire des Parisiens, la tyrannie des seize était d’autant plus odieuse que les souvenirs du règne d’Henri IVétaient plus populaires. Les remparts de Paris paraissaient comme déshonorés par la prolongation d’une lutte qui avait retardé l’avènement du bon roi Henri. Ce qu’on avait de mieux à faire était d’abandonner à elles-mêmes ces vieilles murailles, qui rappelaient moins à la France monarchique le patriotisme que la rébellion.

Les traces des discordes civiles s’effacèrent dans la seconde moitié du XVIIe siècle, et les triomphes du petit-fils d’Henri IVportèrent au-delà des limites de notre territoire agrandi l’attention de la France émerveillée. Il ne semble pas que la situation de Paris ait dû alarmer personne au milieu des gloires du règne de Louis XIV et pourtant c’est avant les revers, à l’époque où la guerre était éloignée de nos frontières, que le génie de Vauban conçut le projet de fortifier Paris. Dans tous les siècles, on trouve des hommes dignes d’attirer l’admiration de la postérité ; mais il en est peu dont le nom mérite plus de respect que celui du grand homme de guerre qui, dans l’ordre si varié de ses connaissances, a su se placer au premier rang, soit que son intelligence se portât sur les vices de l’administration, soit qu’elle signalât les fautes de la politique. Sa hardiesse égalait son génie, et la sûreté de son jugement ne laissait jamais s’égarer une imagination qui ne se fatiguait pas de concevoir. Il l’a lui-même avoué en appelant oisivetés ses ouvrages, fruits du travail d’esprit le plus actif. Parmi les mémoires qu’il a successivement écrits, et que sa réserve trop modeste et défiante l’a empêché de mettre au jour, figure une note intitulée de l’Importance dont Paris est à la France et du soin que l’on doit prendre de sa conservation. C’est dans cet opuscule qu’il faut chercher évidemment l’idée