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question. La commission s’était montrée favorable au système adopté par le gouvernement, et elle concluait à la construction de forts détachés à 2,000 mètres du vieux mur d’enceinte, fortifié par quelques travaux et capable non de soutenir un siège, mais de résister à un coup de main. La chambre accueillit ce rapport avec une défiance marquée ; la nature et la portée de ce travail immense qui se déroulait devant elle, la perturbation qu’il pouvait apporter dans les habitudes de la capitale, les alarmes de la population parisienne et par-dessus tout, pour les députés de province, le chiffre de la dépense, soulevèrent les inquiétudes. L’opinion publique, réagissant sur la chambre, fit retarder indéfiniment une discussion dont par malheur l’opportunité n’était admise que dans les momens d’alarme belliqueuse. Aussi le gouvernement, qui n’apportait dans cette affaire ni découragement ni faiblesse, vit-il rejeter trois mois plus tard, par une forte majorité, le crédit de 2 millions qu’il avait inscrit au budget de 1834 pour la continuation des travaux. Loin de faire quelque progrès, la question semblait reculer à mesure que la politique pacifique qui inspirait cette œuvre de défense nationale voyait croître son influence en Europe[1]. Déplorables tendances des sociétés comme des hommes, qui oublient dans le sein du repos les alarmes de la veille, et se persuadent au milieu de la prospérité qu’ils ne reverront plus jamais les douleurs et la ruine !

Cette contradiction, qui faillit alors perdre le projet, ne devait pas se prolonger. Les hasards de la politique, en soulevant quelques années plus tard la question d’Orient, permirent au gouvernement de fixer à propos l’attention publique sur les fortifications de Paris. La France, réveillée du calme dans lequel elle risquait de s’assoupir, vit tout d’un coup se dresser devant elle la menace d’une coalition européenne. Elle se sentit prête en un instant aux plus grands sacrifices. Les hommes d’état qui dirigeaient sa politique surent lui éviter les chances inconnues de la guerre ; mais la défense de Paris reparut à l’ordre du jour, non plus comme une utopie ruineuse, mais sous la forme d’un projet longuement étudié et préparé avec maturité.

Malgré l’abandon, faute d’argent, des travaux entamés en 1833, le gouvernement n’était pas demeuré inactif. Persuadé que la question renaîtrait tôt ou tard et qu’il était de l’honneur de chaque ministère d’apporter une pierre au monument de la sécurité nationale, le cabinet présidé par M. Thiers nomma le 26 avril 1836 une commission chargée de soumettre à une critique sévère les projets de

  1. 5 millions environ furent consacrés aux fortifications de Paris dans les trois premières années du gouvernement de juillet : en 1831 1,973,000 fr ; en 1832 1,787,000 fr. en 1833 373,000 francs. Les terrains achetés avaient coûté 581,000 francs.