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assemblées auxquelles avaient été promises à leur origine toutes les illustrations d’un pays présenter à quelques jours de distance, au milieu de l’indifférence publique, le pâle reflet des discussions soutenues dans une autre enceinte. Ce spectacle a fait oublier la puissance et l’utilité d’une chambre haute dans le mécanisme des gouvernemens libres. C’est là un des vices particuliers aux pouvoirs despotiques ; ils gâtent pour longtemps les instrumens dont ils se servent : en forçant les ressorts, ils faussent tous les organes du mouvement. De longues années seront sans doute nécessaires pour que l’exemple des États-Unis et de l’Angleterre parvienne à détruire les préventions que dix-huit ans d’effacement politique ont élevées contre l’existence d’une seconde assemblée. Si l’on veut saisir sur le fait le rôle véritable de la chambre des pairs, il est peu de discussions qui méritent davantage l’étude que celle dont nous nous occupons. Il semblait que tout eût été dit au palais Bourbon, et pourtant la seconde délibération exerça une impression profonde sur le sentiment de la France.

Émue par les menaces subites d’une coalition européenne, l’opinion publique se laissait aller aux affirmations des hommes dont elle était habituée à suivre les conseils, mais elle accordait bien plus un vote de confiance patriotique qu’une adhésion spontanée. Aux attestations si énergiques des chefs de parti, ceux qui hésitaient encore désiraient joindre l’opinion des hommes de guerre et des personnages politiques qui siégeaient côte à côte à la chambre des pairs. Aucune de ces voix ne demeura silencieuse. La France apprit bientôt que, sur le principe même des fortifications à élever autour de sa capitale, une entente presque complète s’était établie entre les diverses fractions de l’assemblée. Quelques voix discordantes, entraînées par leur imagination ou par la passion de parti, firent entendre leurs protestations ; mais en réalité le ministère ne pouvait concevoir de crainte que sur les questions de systèmes. Ces questions furent développées avec une précision qui permit au pays de considérer encore une fois cette grande mesure sous toutes ses faces et de porter un jugement définitif. La chambre consacra neuf séances à cet examen, et elle n’entendit pas moins de trente-quatre orateurs. Toutes les critiques reparurent, mais avec cette élévation qui était le caractère propre aux discussions du Luxembourg ; les défiances elles-mêmes revêtaient une autre forme.

Les adversaires les plus résolus s’en prirent au principe même qui avait guidé le gouvernement et la commission : ils n’hésitaient pas à traiter de folie la défense d’une capitale. Passant en revue les villes d’Europe où était établi le gouvernement des états, ils les montraient ouvertes, et soutenaient que les lignes de places situées aux frontières constituaient, avec les défenses naturelles, une