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Ainsi le gouvernement parlementaire, qu’un ministre de l’empire accusait publiquement de n’avoir « rien produit, » avait préparé de loin à la France les armes qui peuvent la relever de la ruine. Le gouvernement que défendait alors M. Rouher laissait au contraire dans l’oubli cette force dont son imprévoyance devait faire notre dernier espoir. Malgré cet impardonnable abandon, les fortifications sont en mesure de nous venger. Personne n’ignore que la portée des canons est tout autre aujourd’hui. La moindre prévision du gouvernement impérial aurait permis au génie militaire, dont les souhaits étaient depuis longtemps stériles, de multiplier les forts détachés et d’occuper ces hauteurs qui sont couronnées aujourd’hui par les batteries ennemies. C’est encore une des fautes dont le gouvernement déchu est responsable. Un travail ordonné dès le milieu d’août par le comité de défense et poussé avec une extrême ardeur avait pour but de les réparer en complétant la fortification à l’aide de plusieurs ouvrages détachés. Ces nouvelles redoutes n’ont pu être achevées partout avant l’investissement ; mais ce qui existe peut assurer notre victoire, si les 500,000 hommes qui sont armés dans Paris se montrent dignes de sauver l’indépendance de la patrie et l’unité du territoire. C’est entre leurs mains qu’est remise la cause nationale. Le salut de Paris ou sa chute dépend de leur courage et de l’énergie de la population. À l’heure présente, l’union est indispensable à la victoire, toutes les traces de discussion et de faiblesse doivent disparaître ; c’est la condition absolue sans laquelle aucun succès ne peut être espéré dans une capitale assiégée.

Il y a là tout un ordre de considérations qu’on peut appeler le problème moral de la défense. Les auteurs des fortifications de Paris s’en étaient vivement préoccupés. Nous avons vu comment on avait persuadé à l’Europe que la France accomplissait une œuvre de paix, comment on avait rallié les hommes de guerre et calmé les alarmes des hommes de finance ; il nous reste à dire de quels raisonnemens on se servit pour convaincre le pays que Paris pourrait se défendre. Sur ce point, l’opinion publique dans les départemens, aussi bien que dans la capitale, ne cachait point ses inquiétudes, Les adversaires de la loi, sentant que ces alarmes étaient leur seul appui, cherchèrent à les exploiter : aussi tenaient-ils à ramener vers la politique intérieure l’attention des chambres. Ils étaient divisés en deux groupes distincts. Les légitimistes et auprès d’eux quelques amis convaincus du gouvernement de juillet qui s’effrayaient de la centralisation faisaient ensemble une campagne ardente contre le principe même du projet. Décidés à faire bon accueil à tous les amendemens dirigés contre la loi, ils s’efforçaient très sincèrement de persuader aux députés des département que les fortifications auraient pour effet d’exagérer tous les maux