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LE
TRAITE D'UTRECHT


I

Dans notre étude sur la bataille de Denain[1], nous avons montré les extrémités où la France fut réduite de 1709 à 1712, l’acharnement d’ennemis ardens dans leur passion, pleins de confiance dans leur force, enivrés de leur succès jusqu’à l’imprévoyance. On a vu naître et mûrir le projet de couper la ligne d’opération du prince Eugène, l’application de Villars à guetter le moment propice pour l’exécution, enfin comment cette manœuvre, habilement combinée, avait été heureusement accomplie. Il nous reste à exposer quelle avait été la conduite diplomatique de nos affaires avant Denain, et quelles furent les conséquences politiques de cette journée.

Le ministère tory avait été amené par la nécessité de sa situation à désirer la paix. La reine Anne y cherchait la satisfaction de n’avoir plus besoin des Marlborough, et la nation anglaise y trouva l’avantage plus sérieux de conclure un traité favorable à ses vrais intérêts. Dans cette conclusion de la guerre de la succession d’Espagne, le cabinet anglais déploya ce grand esprit politique qui a fait depuis à l’Angleterre une si large part d’influence dans les affaires européennes. De la paix d’Utrecht, ménagée par les tories, date, à vrai dire, la prépondérance de l’Angleterre. Le cabinet tory fut renvoyé violemment en 1714, mais les whigs respectèrent le traité d’Utrecht, et en firent le point de départ de leur politique nouvelle et rajeunie. C’était la plus vaste négociation qui eût été ouverte depuis la paix de Westphalie. Il s’agissait encore de régler l’équilibre des puissances, de remanier la carte des états européens de

  1. Voyez la Revue du 1er octobre.