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la mort de l’empereur Joseph. « Nous avons déjà fait une bévue, disait-il, en n’acceptant pas la paix dans le temps que les affaires étaient sur l’ancien pied ; nous devons craindre d’en faire une autre aujourd’hui que la situation des choses est différente. »


II

Les conférences du congrès s’ouvrirent le 29 janvier 1712 à l’hôtel de ville d’Utrecht La ville avait été neutralisée à cet effet, comme l’avaient été Munster et Osnahrück pour la paix de Westphalie ; mais au début même des conférences un incident parut devoir en compromettre le résultat sur un chef important. L’adjudication des provinces des Pays-Bas espagnols était une des questions difficiles du règlement de la succession d’Espagne. La Hollande voulait avoir un voisin de son goût ; elle craignait en 1712 un petit-fils du roi de France, comme elle avait craint à Munster le roi de France lui-même. L’Angleterre lui venait en aide aujourd’hui, ayant au XVIIIe siècle un intérêt qu’elle n’avait pas en 1648. Le maintien de la séparation entre les provinces belgiques et la France apparaissait au cabinet tory et a continué d’être depuis lors l’une des principales maximes de la politique continentale de l’Angleterre. En 1698, avant le testament de Charles II, Louis XIV, dans un de ces traités de partage anticipé qui lui ont été tant reprochés, avait consenti, à titre de satisfaction pour l’Europe, à ce que les Pays-Bas fussent attribués à un prince bavarois son allié, allié aussi à la maison d’Autriche espagnole. Le 2 janvier 1712, Louis XIV fit concéder par un acte émané de Philippe V l’abandon des Pays-Bas à l’électeur de Bavière. Il fut facile de voir dès l’ouverture du congrès que cet acte de donation passé en faveur d’un prince dévoué à Louis XIV, et à qui le roi de France voulait marquer sa gratitude personnelle, n’était point accepté comme un fait accompli. Les plénipotentiaires ayant déposé dès les premières séances leurs offres et demandes spécifiques, les Hollandais comprirent dans leurs postulata l’attribution des Pays-Bas à la maison d’Autriche, et ils furent appuyés dans ce vœu par les plénipotentiaires d’Angleterre.

Louis XIV avait envoyé comme ses plénipotentiaires à Utrecht le maréchal d’Huxelles, l’abbé de Polignac et M. Mesnager. Le premier était un homme d’esprit et de cœur, militaire distingué, épicurien aimable, négociateur souple et ferme à la fois, déjà employé aux conférences de Gertruydenberg, et que des rapports de plus d’un genre conduisirent à une amitié intime avec lord Bolingbroke. L’abbé de Polignac s’était fait connaître avec avantage par son ambassade de Pologne en 1693 ; il était aussi l’un des plénipotentiaires