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étaient à la tête des armées belligérantes furent choisis comme plénipotentiaires. Pour régler les difficultés entre l’empereur et le roi, un congrès fut indiqué à Rastadt, où Eugène et Villars y firent assaut de galanterie chevaleresque. Avant de se rendre à Rastadt, Villars avait écrit la lettre suivante au prince Eugène : « Je ne différerai point une conférence que bien des raisons me font souhaiter, et surtout celle de voir l’honneur de vous renouveler moi-même les assurances de mon ancien attachement. Il me semble que le palais et la ville sont séparés de manière à pouvoir loger commodément votre cour et les gens qui pourront me suivre ; le nombre en serait grand, si je le permettais à tous ceux qui ont une juste curiosité de voir un aussi grand capitaine[1] » Eugène n’était point dans le fond du cœur aussi généreux envers Villars. On lit dans sa correspondance particulière avec le cabinet de Vienne que « Villars était craintif, très peu informé des négociations précédentes, et qu’il souhaitait la paix. Selon que je vois les choses, dit-il, s’il dépendait de lui, il sacrifierait tout ailleurs, pourvu qu’il obtînt quelque chose par ici, pour pouvoir se faire un mérite auprès de sa cour. » Quoi qu’il en soit, l’empereur accepta le lot des Pays-Bas, qui lui avait été réservé à Utrecht, et signa la paix avec la France, à laquelle il abandonnait Landau, fortifié par Vauban. Quant aux électeurs de Bavière et de Cologne, Louis XIV se contenta de les rétablir dans leurs états et dignités ; l’occasion d’un dédommagement pour la maison de Bavière s’était évanouie, au grand regret du roi. En ce qui touche l’Italie, l’empereur conserva la Lombardie et les autres états occupés par ses troupes, appartenant jadis à l’Espagne, mais il ne reconnut point la royauté espagnole de Philippe V. Entre l’empereur et l’Espagne, les relations demeurèrent à l’état de simple acceptation des faits accomplis, et l’on sait ce qu’il en advint quelques années après, sous le ministère d’Alberoni. Il ne restait plus à régler que des questions spéciales relatives aux princes de l’empire, pour lesquels l’empereur s’était porté fort. Elles furent résolues à Bade, en Argovie, le 7 septembre, dans un esprit conforme aux résolutions d’Utrecht et de Rastadt- Le traité de la barrière, qu’on dut négocier à Anvers entre l’empereur, les Hollandais et la France, fut conclu au mois de novembre 1715, mais il ne donnait lieu à aucune difficulté sérieuse. Ainsi Louis XIV, quoique affligé d’une condition qu’il dut subir pour Dunkerque, put terminer son règne et sa vie avec un air de gloire pour ses vieux ans, comme l’a dit M. Mignet, et après avoir traversé les plus grands périls où ait été exposée la monarchie.


CH. GIRAUD, de l’Institut.

  1. Voyez Arneth, II, p. 510. Archives de Vienne.