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Après les recherches de l’habile naturaliste, il ne restait plus aucune lumière à attendre relativement au fameux oiseau que les matelots hollandais avaient autrefois pourchassé, à moins d’une trouvaille importante. Cette trouvaille a été faite assez récemment à l’île Maurice. En drainant un petit marais, qu’on appelle poétiquement la Mare aux songes, M. George Clark découvrit une quantité d’os de dronte. Ces débris, envoyés en Angleterre et aussitôt répandus en France, ne tardèrent pas à être l’objet d’études attentives ; ils permettaient de reconstituer le squelette presque en entier, et dans l’état actuel de la science on avait tous les moyens de comparaison imaginables. Plusieurs zoologistes voulurent profiter de ces avantages. M. Alphonse Milne Edwards, très familiarisé avec les caractères ostéologiques des oiseaux, mit à cette recherche la plus grande activité, et nous pensons qu’il est parvenu à déterminer exactement les affinités naturelles du singulier oiseau. Tout en reconnaissant avec M. Strickland les rapports assez intimes qui unissent le dronte et les pigeons, M. A. Milne Edwards estime que l’oiseau de l’île Maurice est vraiment le type d’une famille particulière. Ainsi des lambeaux de l’histoire de l’être étrange totalement anéanti ont été rapprochés successivement, mais l’histoire entière de l’espèce demeure impossible à retrouver.

Jusqu’au XVIIe siècle, les îles Mascareignes étaient peuplées de beaucoup d’autres oiseaux dont le souvenir nous a été transmis par la relation toute superficielle de quelques voyageurs. Ces oiseaux, les uns absolument inhabiles au vol, les autres médiocrement favorisés sous le rapport de la puissance des organes de locomotion, mais n’ayant rien à redouter en l’absence des hommes, vivaient tranquilles à Rodriguez, à Bourbon, à Maurice, terres inhabitées. Ils ont été détruits par les envahisseurs dans un très court espace de temps, et aujourd’hui des os encore recueillis en petit nombre sont les seuls vestiges qui désignent les lieux dont les espèces éteintes partageaient la possession avec d’autres êtres inoffensifs. Les voyageurs d’autrefois ont parlé du solitaire de Rodriguez, de la poule rouge au bec de bécasse, du géant, de l’oiseau bleu de Bourbon, de gelinottes, de poules d’eau énormes ; la destruction de ces animaux a été complète.

François Leguat, fuyant la France avec un parti protestant, était venu en 1691 à l’île de Rodriguez, jusque-là inexplorée, où il fit un séjour de deux années. Le récit des Voyages et aventures de notre compatriote a été publié ; nous y trouverons la description du bel oiseau qu’on a nommé le solitaire (Pezophaps solitarius). De tous les oiseaux de l’île Rodriguez, rapporte Leguat, c’est l’espèce la plus remarquable. Les mâles ont un plumage varié de gris et de brun, les pieds du coq d’Inde, le bec conformé comme chez ce