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de pareil sur les oiseaux des îles australes ; des os épars seulement ont permis de reconstruire des squelettes et de porter la comparaison sur les espèces les plus voisines qui existent en d’autres pays. Si l’animal perdu s’éloignait peu par ses formes d’une espèce vivante bien connue, les rapports sont faciles à constater par cette unique comparaison, les différences apparaissent sans peine aux yeux du naturaliste exercé, une notion presque exacte de l’être disparu est acquise, une sorte de vie nouvelle semble donnée à la créature dont on a vu de simples débris. Au contraire, si l’animal qu’il s’agit de reconstituer avait des caractères très particuliers ou dans son ensemble des proportions inconnues ailleurs, il devient impossible de parvenir à un résultat satisfaisant ; on cherche à voir par la pensée l’être animé, mais la réflexion indique que l’image ne saurait être fidèle. Il en est ainsi vraisemblablement pour quelques-uns des oiseaux éteints de la Nouvelle-Zélande.

On s’est demandé s’il fallait prendre au sérieux l’espoir de rencontrer quelques dinornis vivans ; à cet égard, l’affirmative et la négative ont été également soutenues par des zoologistes et surtout par des explorateurs de la Nouvelle-Zélande, pouvant mieux que personne justifier leur sentiment. Le docteur Thomson, qui a fait une étude spéciale des gisemens et des cavernes d’où l’on a tiré une infinité de débris des grands oiseaux, est persuadé que les fameux moas des Maoris sont éteints depuis au moins deux siècles, et qu’on les cherchera inutilement ; les preuves qu’il apporte à l’appui de cette opinion sont assez graves pour inspirer la crainte que sa prophétie se réalise. On reporte généralement la prise de possession des îles néozélandaises par les Maoris au XVe siècle, et dans des contrées où manquent les mammifères, les premiers habitans ont dû poursuivre d’une manière incessante les grands oiseaux, qui offraient d’immenses ressources alimentaires. Comment au milieu de telles circonstances la destruction des dinornis n’aurait-elle pas été rapide et bientôt complète ? Tasman, qui découvrit la Nouvelle-Zélande en 1642, n’eut aucune révélation au sujet des moas, seulement, comme il entretint peu de rapports avec les naturels, ce fait reste sans valeur ; mais le silence gardé devant les autres navigateurs est plus significatif. Cook, par trois fois, a exploré le pays, il s’est mis en communication avec les habitans, il a eu des entretiens avec le grand chef Rauparaha, et de la sorte il a connu les traditions populaires ; jamais il n’a été question d’oiseaux gigantesques. Dumont-d’Urville, homme sagace, cherchant à pénétrer dans la vie des peuples qu’il visitait, a étudié les mœurs, les coutumes des Maoris ; il a porté son attention sur les plantes et les animaux de la Nouvelle-Zélande, et rien ne lui a fait soupçonner l’existence des dinornis. Suivant le docteur Thomson, les traditions