Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/700

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des indigènes à ce sujet sont absolument vagues, et témoignent tout juste que des moas vivaient en même temps que les hommes de la race qui habite aujourd’hui le pays. Nul Maori de l’époque actuelle n’aurait vu un moa courant les bois ou la campagne. L’état parfait de conservation dans lequel ont été trouvés certains débris doit, d’après l’avis du même auteur, être attribué uniquement aux propriétés du sol où ces restes étaient enfouis.

Maintenant ceux qui n’abandonnent pas l’espérance de voir un jour quelques dinornis vivans se fondent sur plusieurs indices qu’il ne faut peut-être pas entièrement négliger. Les Maoris, assure le R. Taylor, ont des traditions sur les chasses au moa de leurs ancêtres et des chansons qui célèbrent les exploits des chasseurs. Des voyageurs affirment avoir reçu des naturels la déclaration positive de la présence d’oiseaux gigantesques dans les montagnes ; d’autres prétendent avoir aperçu des moas, mais, ayant pris peur à la vue de ces étranges animaux, ils se sont sauvés ; d’autres enfin croient avoir observé sur la terre des empreintes qui dénotaient le passage d’un très grand oiseau. Il est impossible d’accorder beaucoup de confiance à de semblables récits ; on est frappé davantage par les remarques sur la condition de certains débris. Le 16 juin 1864, la Société linnéenne de Londres entendait la lecture d’un curieux mémoire de M. Allis sur la découverte d’un squelette presque complet de dinornis. Ce squelette, trouvé sous un monceau de sable par des chercheurs d’or, près de Dunnedin, dans la province d’Otago, était dans un état de conservation surprenant. Des cartilages, des tendons et des ligamens adhéraient encore aux os ; une portion de la peau n’était pas détruite, et portait des tuyaux de plumes bifides comme chez les émeus (une espèce du groupe des casoars) ; les barbes de quelques plumes avaient persisté. Un zoologiste fort expert estima que l’animal n’était pas mort, bien probablement, depuis plus de dix à douze ans. Une dernière considération relative à l’existence possible dans le temps actuel de quelque dinornis nous est fournie par un officier de marine des plus distingués, le commandant Jouan, qui a fait une foule d’observations intéressantes pendant ses longs voyages. Il y a dans l’île du Milieu, nous dit le savant navigateur, des solitudes où les Maoris et à plus forte raison les Européens n’ont jamais pénétré, et l’intérieur de l’île du Nord est peu connu en dehors des vallées, dont le fond est occupé par des cours d’eau qui permettent de voyager en canot ou tout au moins en pirogue. De grands oiseaux pourraient donc avoir encore des retraites sûres. Si l’extinction des dinornis n’est pas absolue, elle paraît néanmoins certaine pour la plupart des espèces du groupe.

D’autres oiseaux de la Nouvelle-Zélande, ayant une taille médiocre, semblent à leur tour menacés d’une destruction tourte dans