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un avenir prochain. Les aptéryx au plumage brun, au long bec courbé, aux pattes robustes, sont fort maltraités depuis la colonisation. Ces oiseaux marcheurs ayant des vestiges d’ailes plus réduits que chez les autruches et les casoars, incapables de se dérober par une fuite rapide, vivent à terre et se cachent simplement dans des trous. Des chiens dressés pour leur faire la chasse les atteignent aisément, et déjà les pauvres aptéryx ont à peu près disparu du pays habité ; la destruction s’achèvera avec les progrès de la colonisation. Un étrange perroquet de la grosseur d’une poule, le strigops, particulier à la Nouvelle-Zélande, autrefois assez commun, aujourd’hui extrêmement rare, est également destiné à périr. Le strigops, vrai perroquet par tous les caractères, hibou ou chouette par les mœurs, les attitudes et le plumage terne, est l’unique espèce nocturne de la famille des perroquets, et à cause de cette circonstance il offre un immense intérêt zoologique. L’oiseau, d’un vert clair bariolé de lignes noires, vole peu ; il court à terre et se met à l’abri dans des trous ; objet d’une guerre continuelle de la part des hommes et des chiens, il n’existe plus que dans les solitudes jusqu’à présent inaccessibles. Chaque jour, à la Nouvelle-Zélande, la rareté des oiseaux indigènes se prononçant davantage, il est venu à l’idée de plusieurs personnes que la disparition rapide des espèces les plus remarquables pouvait être attribuée à un abaissement de température. Ces personnes n’ont pas remarqué que les aptéryx et les strigops se trouvent fort bien de l’état actuel du pays partout où ils ne sont pas inquiétés.

Parmi les créatures dont la disparition récente est très probable sans être absolument certaine, on compte un oiseau de Madagascar dont le volume dépassait celui du dinornis gigantesque. La première découverte importante de restes provenant de l’espèce perdue est encore presque nouvelle. Elle fut annoncée, le 27 janvier 1851, à l’Académie des Sciences, par M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Des œufs énormes apportés en France par M. Al. Abadie, capitaine de la marine marchande, étaient pour tout le monde, savans et ignorons, un sujet de stupéfaction. Ces œufs, six fois plus gros que ceux de l’autruche, équivalaient à cent quarante-huit œufs de poule, et offraient une capacité de plus de huit litres. Jamais rien de plus étonnant n’avait été rencontré. D’après quelques rares fragmens d’os trouvés dans le même gisement, M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire reconnut les vestiges de l’oiseau auquel les œufs devaient être attribués, et il désigna l’animal sous le nom d’Æpyornis maximus. L’île de Madagascar, qui présente une superficie si considérable, n’ayant pas été explorée dans toutes ses parties, on crut volontiers que l’æpyornis errait encore à l’heure présente dans ses vastes solitudes, car à Madagascar, comme à la Nouvelle-Zélande, les naturels parlent