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largement suffire aux besoins de l’armée, si les éleveurs avaient intérêt à les satisfaire. Le gouvernement n’a jamais songé à encourager la production des mulets et des chevaux de trait ; depuis des siècles, il emploie même toutes les ressources dont il dispose pour en détourner les éleveurs, et pourtant les chevaux du train des équipages et de l’artillerie n’ont jamais manqué. Il s’agit de rechercher les causes de cette situation et d’y trouver remède : tel sera l’objet de cette étude ; mais d’abord il faut faire connaître les races des provinces les plus renommées pour leur production chevaline.


I

L’armée réclame deux catégories de chevaux : des chevaux de trait pour l’artillerie et le train des équipages, des chevaux de selle pour les différentes armes de la cavalerie. Les uns et les autres doivent être robustes pour supporter les rudes fatigues auxquelles ils sont souvent exposés, rustiques pour résister aux intempéries, sobres pour se contenter au besoin de fourrages médiocres qu’on ne peut pas même toujours leur distribuer à discrétion. Il faut en outre, pour les chevaux de cavalerie surtout, qu’ils soient dociles et maniables. Le cavalier qui ne peut pas maîtriser son cheval n’a pas ses mouvemens libres, et ne peut ni attaquer ni se défendre. Un cheval indocile ne sert qu’à l’ennemi, disait déjà Xénophon. Le général Foy attribuait aux chevaux anglais, peu maniables, l’infériorité de la cavalerie anglaise, d’ailleurs composée d’excellens soldats. Outre les qualités en quelque sorte individuelles, les chevaux de troupe ont besoin de posséder ce que nous appellerons les qualités d’ensemble. Les chevaux de chaque régiment doivent avoir à peu près la même taille et la même corpulence[1]. L’uniformité dans la taille suppose l’uniformité dans la force et dans les allures. L’ensemble des mouvemens, l’impulsion de la cavalerie et conséquemment son utilité, disent les militaires expérimentés, reposent sur une réunion de chevaux de même taille et de même nature. À cet avantage purement militaire, l’égalité de la taille réunit celui

  1. Les règlemens fixent la taille de la manière suivante pour les différens services de l’armée :
    Pour la cavalerie de réserve, grosse cavalerie de 1m,542 à 1m,597
    Pour la cavalerie de ligne, dragons et lanciers de 1m,515 à 1m,542
    Pour la cavalerie légère, chasseurs et hussards de 1m,475 à 1m,515
    Pour l’artillerie et le train de 1m,488 à 1m,542
    Pour les mulets de 1m,434 à 1m,515


    Dans les momens d’urgence, dans ce moment par exemple, on accepte les chevaux au-dessous de la taille réglementaire, et dans tous les temps on prend les chevaux de l’Algérie, quoique n’ayant pas la taille exigée en Europe pour la cavalerie légère.