Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/734

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Depuis un demi-siècle, il s’est opéré dans les races chevalines que nous venons d’indiquer de grands changemens ; on peut dire même qu’elles n’existent plus. Par des croisemens que nous apprécierons plus loin, elles ont été complètement transformées. Les anciens chevaux limousins, navarrins, auvergnats, etc., ont été remplacés par des chevaux anglo-français, ou arabes-français, ou même anglo-arabes, car la race arabe a été croisée avec la race anglaise en France, qui sont assez hauts de taille et d’une grande finesse. Ils ont la tête légère, l’encolure droite, la croupe longue et bien dirigée, la peau fine et les crins soyeux. Lorsqu’ils joignent à ces qualités un poitrail large, des reins courts et des membres solides, ils sont inappréciables ; mais ils ne sont ainsi que lorsqu’ils proviennent de bonnes jumens et qu’ils ont été convenablement nourris dans leur jeunesse. Trop souvent ils ont la poitrine étroite, les reins longs et les membres faibles. Les mauvais chevaux croisés, trop nombreux encore, quoique beaucoup moins qu’il y a vingt ou vingt-cinq ans, sont sans valeur ; ils sont exposés aux tumeurs osseuses et aux affections organiques les plus fréquentes sur les animaux de l’espèce chevaline. Nous ne parlons que du Limousin et de la Navarre ; mais dans toutes les contrées où les petites jumens de selle ont été croisées avec les étalons de course et même avec les étalons arabes, il a été produit des chevaux semblables, quelques-uns excellent, la plupart médiocres. On verra plus loin les circonstances qui ont nécessité les croisemens. Les dépôts de remonte de Guéret et d’Aurillac sont alimentés en grande partie par les chevaux limousins. Ceux de Tarbes, d’Auch, d’Agen, de Meyrignac, achètent les produits de la Navarre et des autres provinces du sud-ouest qui peuvent concourir à la remonte de notre cavalerie.

Quoique moins connue pour ses chevaux de selle que pour ses diligenciers, la Bretagne contribue à monter les chasseurs et les hussards. Dans la plus grande partie du Morbihan, dans le Finistère, l’Ille-et-Vilaine, les Côtes-du-Nord, la Loire-Inférieure, se trouvent des petits chevaux remarquables par leur sobriété et leur énergie ; ils sont bas de taille ; mais à mesure que la culture se perfectionne, ils grandissent et s’améliorent.

La France possède encore, pour la remonte de sa cavalerie, la ressource des chevaux algériens. Tout a été dit sur ces excellens animaux, et depuis la conquête surtout un grand nombre de volumes ont été publiés sur leur production et leur utilisation. On avait cru cependant qu’ils seraient peu propres à rendre des services en France ; l’expérience a prouvé que le changement de climat n’influe point sur leurs qualités. Qu’on nous permette de rapporter une observation qui a été faite pendant la guerre actuelle. Dans les marches et contre-marches du commencement de cette malheureuse