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les mauvais chevaux qui pouvaient empoisonner la reproduction dans leurs départemens ; cette loi indispensable est réclamée par presque tous les conseils-généraux. » La nécessité de pareils moyens ne suffit-elle pas pour démontrer qu’on est dans une mauvaise voie ?

Un seul encouragement serait efficace : l’achat régulier des produits à des prix rémunérateurs. La consommation, avons-nous dit, fait seule la production ; c’est une loi économique à laquelle l’industrie équestre ne saurait échapper. Le premier terme de cet encouragement n’a jamais existé. L’état achète, pour les remontes de son armée, une année 15,000, 20,000 chevaux, quelquefois plus ; l’année suivante, 3,000, 4,000, 5,000, souvent moins. Si les éleveurs en ont produit 15,000 ou 20,000, et qu’ils n’en vendent pour les remontes que 3,000 ou 4,000, que feront-ils des autres ? Les chevaux de selle de premier choix se vendent fort cher, mais il n’en est pas de même des chevaux ordinaires. Le service militaire en est le seul grand consommateur ; quand il ne fait pas des achats, les éleveurs les vendent très mal. Un beau cheval d’officier élevé dans le Limousin, la Navarre, le Merlerault, a coûté plus à produire qu’un bon cheval d’omnibus, et il a cependant moins de valeur pour l’usage de la presque totalité des acheteurs. Il en résulte qu’à moins de quelque hasard, celui qui le possède ne trouve pas à le vendre avantageusement. La régularité des achats constitue donc un premier point sans lequel les chevaux de cavalerie feront toujours défaut. Un autre point également nécessaire, c’est l’achat à des prix rémunérateurs. Il paraît certain qu’avant la révolution de 1790 les régimens français étaient généralement mieux montés que de nos jours. Il est facile d’en indiquer la cause. Sous l’ancien régime, le gouvernement accordait 450 livres par cheval de grosse cavalerie, et 350 par cheval de cavalerie légère. Les régimens faisaient eux-mêmes leurs achats ; ils avaient des fonds, les masses noires, qui leur permettaient d’ajouter de 80 à 150 livres aux prix fournis par l’état : plusieurs même achetaient des poulains très jeunes et les élevaient dans des établissemens qui leur appartenaient. Les chevaux ainsi élevés revenaient à des prix assez forts, 700 ou 800 francs, mais ils pouvaient être excellens. Comme le disait sous la restauration l’auteur qui nous fournit ces détails sur les usages de l’ancien régime, le cheval était dans le royaume le seul objet rural dont le prix n’était pas en harmonie avec les autres objets de consommation. C’est encore vrai maintenant pour les chevaux de cavalerie. L’administration de la guerre se guide, pour fixer le prix des chevaux qu’elle achète, sur la valeur commerciale des animaux ; cela est bien pour les chevaux de trait. Le commerce maintient le prix de ces animaux à des taux rémunérateurs ; mais il n’en est pas de même pour les chevaux de selle. Le public en achète très peu,