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seil hybride condamné d’avance à n’être qu’un instrument de division. Voilà ce que ne peuvent comprendre ceux qui ont soulevé cette question perturbatrice de la commune. S’ils ne voulaient être que les membres d’un conseil municipal parisien, ce n’était guère le moment, et ils faisaient beaucoup de bruit pour rien ; s’ils aspiraient à un pouvoir plus étendu, s’ils voulaient, comme cela n’est pas douteux, se substituer par une captation du suffrage d’une ville au gouvernement actuel, ils n’étaient que des usurpateurs sacrifiant à une ambition ou à un fanatisme de parti les intérêts de la défense commune de Paris et de la France.

Qu’ils missent en péril la défense nationale, c’est d’une trop criante évidence ; mais ce qui est tout aussi clair, c’est qu’en désarmant la France, ils ne servaient pas mieux la république dans son avenir prochain. La république s’est relevée en France le 4 septembre ; elle existe aujourd’hui sans contestation. Si elle a des ennemis, ils ne sont pas pour le moment bien dangereux, et aucun d’eux n’oserait certainement laisser entrevoir un autre drapeau. On s’est rallié sans mauvaise arrière-pensée, sans hésitation, à la république comme à un pouvoir de suprême sauvegarde qui héritait de désastres dont il n’était pas coupable, qui a déjà fait ce qu’il a pu pour réparer ces désastres, et qui a toujours ce mérite d’être le seul qui puisse opposer à l’ennemi le faisceau des forces nationales. Est-ce qu’on croit travailler bien efficacement à l’avenir des institutions républicaines par ces préconisations effrénées de pouvoirs sommaires, dictatoriaux, qui ont la prétention de tout faire et de ne souffrir aucune dissidence autour d’eux ? C’est l’éternel malheur de la république de trouver si souvent pour interprètes et pour défenseurs des hommes qui font tout ce qu’ils peuvent pour la rendre insupportable et impossible. A leurs yeux, la république, c’est nécessairement l’agitation en permanence, la fièvre organisée, la guerre des classes et des intérêts, la mise en doute perpétuelle des institutions les plus fondamentales ou les plus simples, la violence dans le langage, l’insurrection dans la rue.

Dès qu’on s’éloigne de cet idéal, ils sont persuadés que la république est perdue, et c’est ce qui explique comment la France, plus qu’à demi républicaine par ses idées et ses mœurs, a laissé si souvent retomber ces institutions, parce qu’après tout ce n’est pas dans la guerre, dans le désordre permanent qu’une population peut vivre, travailler, penser, former cet assemblage de créatures humaines ayant le droit de porter le nom d’une nation intelligente et civilisée. C’est le désordre qui est le péril perpétuel de la république, et, ce qui ne la compromet pas moins, c’est cette prétention de certains hommes de l’absorber en eux, de la représenter exclusivement, de l’imposer par l’autorité de leurs passions. Franchement, quelle différence y a-t-il entre la dictature d’une oligarchie