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immédiatement réciproques. Ce droit nouveau aspire à légiférer plus étroitement que jamais la guerre ; pas à pas, il veut disputer au nom de la charité, au nom de la pitié, le champ toujours trop vaste du massacre et de la ruine. Or l’un des articles de ce code est que la conquête pure et simple, résultant d’une supériorité de force, n’est plus permise. Il n’est plus permis, même au plus fort repoussant une attaque, d’arracher de leur patrie malgré elles des populations entières, comme on transfère de vils troupeaux d’une étable dans une autre, parce que des créatures humaines ne peuvent pas être assimilées à un bétail, ni une patrie à une étable. Et, quoi que vous disiez contre elle, c’est la France qui a le plus énergiquement contribué à faire entrer dans les mœurs internationales cette loi du nouveau code. Pourrait-elle s’attendre à affronter la première, à ce sujet, un honteux déni de justice ? Ne dites pas que, si nous eussions été vainqueurs, nous eussions agi comme vous prétendez agir. Voici un mot de M. Rouher dont on vous affirme l’authenticité. En 1868, comme un interlocuteur inquiet de certains symptômes lui disait : « Vous voulez donc faire la guerre à la Prusse ? — Non assurément, répondit-il ; vainqueurs, nous ne pourrions garder le fruit de notre victoire, car nous serions obligés de faire voter les populations des provinces rhénanes, et nous savons fort bien qu’elles répondraient par la négative. » Et en effet la France était engagée d’honneur par ses précédens. Partout où son action directe avait rencontré des faits d’annexion, elle avait insisté pour que l’on consultât les populations par le suffrage universel, soit en Italie, à plusieurs reprises, soit, — vous ne le savez que trop, — en Slesvig. Elle avait elle-même observé cette condition lors de l’annexion de la Savoie. C’est une justice qu’il faut rendre à la France de ces derniers temps : fidèle à un génie héréditaire dont nul malheur et même nulle faute ne sauraient effacer le bienfaisant éclat, en cela encore elle a travaillé pour les autres peuples, et ce serait une étrange iniquité qu’on refusât de reconnaître à deux de ses provinces un droit qu’elle a fait admettre ou qu’elle a demandé en faveur des autres nations ! Non, la France victorieuse n’aurait certainement pas réuni à son territoire les provinces rhénanes malgré elles. L’opinion publique, la représentation nationale, n’auraient pas accepté qu’on omît de consulter les populations. D’ailleurs, sans même parler du droit nouveau, il y a certains excès de froide et longue violence dont notre pays ne s’est jamais rendu coupable : c’est bien assez que Napoléon Ier ait fait l’odieuse guerre d’Espagne ; jamais la France n’aurait gardé sous son glaive, au mépris de toutes les lois divines et humaines, une expirante Pologne.

Le dernier mot n’est pas dit dans l’horrible guerre qui nous