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réunis autour d’une ville assiégée, tant d’hommes réunis au dedans. Un autre trait de ressemblance est que l’ennemi a cette fois opéré son invasion à la façon des barbares, et qu’il ne trouve presque plus devant lui que les simples citoyens, transformés tout à coup en soldats pour défendre leurs foyers ; mais ceux-ci ont heureusement l’avantage de posséder une double ligne de défense qui paraît désormais infranchissable.

Cette double ligne, on le sait, comprend d’abord les forts détachés, au nombre de seize, auxquels il faut ajouter quelques redoutes ; tous ont pour but de parer à une invasion, venue de l’est ou du nord, les points les plus faibles de Paris et aussi les plus menacés, l’ennemi en France ne pouvant guère venir que du Rhin. Au nord donc veillent autour de Saint-Denis le fort de la Briche, sur la rive droite de la Seine, la Double-Couronne du Nord et le fort de l’Est ou de la Courneuve, enfin le fort d’Aubervilliers et différentes redoutes le long du canal de Saint-Denis et du canal de l’Ourcq, qui existaient déjà en 1831. A l’est, ce sont les forts de Romainville, de Noisy, de Rosny, avec les redoutes de Montreuil et de la Boissière entre ces deux derniers ; la redoute de Fontenay-sous-Bois, le fort de Nogent-sur-Marne, l’antique forteresse de saint Louis ou château de Vincennes avec son annexe, le fort neuf, construit en 1841 ; puis les redoutes de la Faisanderie et de la Gravelle, vers la presqu’île et le grand coude que forme la Marne avant d’aller se jeter dans la Seine ; enfin le fort de Charenton à la fourche de ce confluent. Au sud sont les forts d’Ivry, de Bicêtre, de Montrouge, de Vanves et d’Issy, qui commandent le cours de la Seine, la vallée de la Bièvre, les routes de Lyon, d’Antibes, de Toulouse et une partie de celles de l’ouest, comme les forts précédemment cités défendent la plaine de Saint-Denis et les routes de Belgique et d’Allemagne, ou, si l’on veut, celles de Dunkerque, de Lille et de Metz. Les hauteurs de Meudon, de Sèvres, de Saint-Cloud, que l’on a eu le tort de regarder trop longtemps comme des fortifications naturelles, que l’on n’a songé que trop tard à fortifier réellement, sont aujourd’hui occupées par l’ennemi, qui s’est dirigé tout d’abord sur ces points, dont il n’ignorait ni l’importance, ni le chemin, l’ayant déjà suivi deux fois, en 1814 et 1815. Reste un seizième fort, et celui-là est une véritable forteresse : on veut parler du Mont-Valérien, cette clé de Paris que M. de Bismarck, avec une franchise qui serait naïve, si elle n’était insolente, demandait à M. Jules Favre comme condition première d’un armistice. Le fort du Mont-Valérien défend une partie des routes de l’ouest, notamment celle de Cherbourg, et commande principalement le passage de la Seine, qui sur ce point se déroule autour du bois de Boulogne, en sortant de Paris, pour se replier