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signalé récemment la faiblesse relative, et par où les Prussiens eux-mêmes, dans des écrits publiés depuis dix ans, avaient annoncé qu’ils entreraient presque sans coup férir dans Paris ? Mais ce lieu est mis aujourd’hui dans un tel état de défense, il est si bien armé, si bien couvert du côté de la Seine par nos batteries flottantes, que les Prussiens ne sauraient songer désormais à nous attaquer par là. Du côté du Mont-Valérien, il n’y faut guère songer non plus. Cette forteresse est une véritable place forte, et il faudrait en faire le siège régulier ; mais le Mont-Valérien est entre deux bras de la Seine que l’ennemi de ce côté n’a pas franchie en nombre, et aucune parallèle n’a été encore ouverte au pied de la montagne. Sur tous les autres points, même hésitation, même recueillement des envahisseurs. Que méditent-ils donc ?

Quand on veut faire le siège régulier d’une ville, d’une place quelconque, on commence autant que possible par l’investir entièrement, c’est-à-dire par en interrompre toutes les communications avec le dehors, de manière que la place assiégée ne puisse recevoir ni vivres, ni munitions, ni secours, ni nouvelles d’aucune sorte : c’est ce que les Prussiens viennent de faire si résolument autour de Paris. Ensuite on ouvre à portée de canon, sur un côté de la place, celui qu’on juge le plus faible pour la défense, une tranchée circulaire dont la concavité est tournée vers le point à attaquer. Le long de la tranchée cheminent les hommes qui l’ouvrent, protégés dans leur travail par les déblais qu’ils rejettent à côté d’eux, et par des gabions bourrés de terre ; autour de ces gabions, on établit les embrasures des batteries, et l’on commence à tirer sur la place. De divers points de la tranchée ainsi ouverte, on s’avance en même temps perpendiculairement à la première direction, par des boyaux en zigzags, pour éviter les feux d’enfilade de l’ennemi, et à 300 mètres environ du premier fossé on en creuse un deuxième de direction parallèle, d’où le nom qu’on donne à ces sortes de travaux. Sur la seconde parallèle, on installe de nouvelles batteries, d’où l’on continue à canonner les remparts et à bombarder la place en y jetant des boulets, des obus, de la mitraille, des fusées incendiaires. Pendant ce temps, on procède à l’ouverture de la troisième parallèle comme on a procédé à celle de la seconde, et c’est alors que sur la place assiégée, serrée de très près, canonnée, bombardée à outrance, la brèche est définitivement ouverte et l’assaut donné. On n’arrive pas là sans peine ; il faut tirer plusieurs. centaines de coups de canon sur les remparts pour y ouvrir une brèche de quelques mètres de largeur. Alors il arrive de deux choses l’une : ou les assiégés ont fait avec toutes leurs forces une dernière sortie désespérée qui culbute définitivement l’ennemi, ou ils