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dit-il, arriver à fournir l’alimentation de mille personnes par la culture d’un terrain dont la superficie en nourrirait au plus cinquante, si l’on se contentait des procédés communs. Le plus souvent ce terrain occupe un espace de 7,000 à 10,000 mètres d’un seul tenant. Le loyer en est d’autant plus considérable que le maraîcher doit se rapprocher autant que possible des halles, où est le centre de ses affaires. Aucune parcelle ne reste donc plus de vingt-quatre heures inoccupée. Pour forcer la nature, on emploie à profusion engrais, paillassons, cloches et châssis. La surface du sol est divisée en rectangles de 21 mètres tournés vers le midi dans la plus longue dimension qui reçoivent chacun quinze châssis, 1 mètre étant seulement réservé pour un sentier et deux accots. Lorsque l’espace manque pour une dernière ligne de 21 mètres, on dispose des lignes transversales formées de la même manière, à l’exposition du couchant. C’est ce qu’on appelle faire les carrés. Sur toute la longueur du mur établi au midi se trouvent la costière et la contre-costière, c’est-à-dire deux planches rectangles larges de 2m,34 et séparées l’une de l’autre par un sentier de 0m,33 ; un autre sentier sépare des carrés la contre-costière. Même disposition se retrouve sur le côté opposé du jardin. A l’angle sud-est, le maraîcher a placé sa maison d’habitation, son écurie, sa remise, son hangar ; à proximité sont le puits, le manège ou la pompe à vapeur, le réservoir, la cuve à laver les produits et la décharge de fumier. Une des conditions indispensables, c’est d’avoir de l’eau en abondance. Dans beaucoup de marais existe encore le système défectueux des tonneaux enterrés de 10 en 10 mètres et reliés entre eux par un tuyau de conduite ; les horticulteurs les plus habiles les ont remplacés par différens systèmes de tubes d’arrosage et de prises d’eau.

M. Ponce, dont le marais présente une superficie de 11,000 mètres carrés, a donné des chiffres intéressans sur les frais d’installation et les frais d’entretien de son propre établissement. Le matériel d’exploitation est relativement considérable. Les arrosages se faisant à la lance, il faut d’abord une machine à vapeur de 2 chevaux pour le service de la pompe foulante quand le cheval du maraîcher est occupé, et un manège pour ce même service lorsque le cheval est disponible. Vient ensuite l’établissement d’un grand réservoir d’eau en tôle boulonnée, de conduites, de tuyaux, de tubes, pour le système d’arrosage. On a dû acquérir quantité de châssis, de cloches, de paillassons, et tout le matériel de labour, puis les civières, les chargeoirs, les hottes, les mannes, les piquets et le fil de fer. Enfin on a construit les hangars à châssis et la serre à légumes. Tout cela revient, d’après les comptes très détaillés de M. Ponce, à une trentaine de mille francs. Les frais annuels montent à 17,000 francs environ, sur lesquels 2,500 francs sont prélevés pour le loyer et les impôts, et 8,700 francs pour le salaire, la nourriture et