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tête nue, accompagné des principaux de l’armée, les fit transporter dans la ville avec la plus respectueuse solennité. Là reposaient Hildegarde, épouse de Charlemagne, Louis le Débonnaire et deux de ses sœurs, Drogon, leur frère, les anciens comtes de Metz, saint Amalard, archevêque de Trêves, et autres, dont les ossemens furent confiés aux religieux de Saint-Dominique. Ces précautions prises, on distribua les quartiers de la ville entre les premiers officiers pour les défendre. Les deux princes de Bourbon, Jean duc d’Enghien, et Louis de Condé, son frère, furent chargés de la porte de Saint-Thibaut. Charles de Bourbon de la Roche sur Yon dut défendre le bas du pont de Bar, et le duc de Nemours le terrain qui s’étend de l’autre côté de la Seille jusqu’à la Moselle ; le grand-prieur de France avec le duc d’Elbeuf, tout l’espace jusqu’aux moulins de la Seille ; Strozzi, avec les deux Montmorency, la porte de la Moselle ; Brissac, un retranchement qu’on avait fait en dedans ; La Rochefoucauld, avec Randan son frère, la plate-forme de la porte de la Moselle, et François de Vendôme, tout ce qui était de l’autre côté de la ville, depuis la porte de Bar. Les quartiers restans furent consignés aux autres officiers-généraux[1].

Tout était prêt quand la grande armée de l’empereur arriva. « A considérer, dit Brantôme, la grand’force que mena ce grand empereur devant Metz, dont jamais de pareille il ne peupla et couvrit la terre, la faiblesse de la place, qui n’avait garde d’être la quarte partie forte comme aujourd’huy, et la grand’prévoyance dont il usa pour s’amunitionner,… les règlemens, polices et autres choses nécessaires qu’il établit, — qui mettra aussi le bel ordre de guerre qu’il y ordonna, la belle obéissance surtout qui lui fut rendue, confessera que ça été le plus beau siège qui fût jamais. » C’était la vigile de la Toussaint ; le duc de Guise voulut faire la bienvenue à l’ennemi. Le duc d’Albe s’était avancé pour reconnaître la ville, à la belle Croix de Messin, avec 2,000 Italiens ou Espagnols, suivis de deux bataillons allemands, et de 2,000

  1. Le siège de Metz a été l’objet de relations particulières, de la part d’écrivains contemporains français et étrangers, sans parler de nombreuses ballades, légendes rimées et chansons populaires. Un gentilhomme français présent au siège, Bertrand de Salignac, a fait imprimer son récit, en l’année même de l’événement, à Paris, en petit in-4o de 88 feuillets, avec un plan de Metz. Ce document a été connu et employé par de Thou dans sa grande histoire, livre XI. Il a été souvent réimprimé. Le célèbre Ambroise Paré a consacré aussi quelques pages à la relation de son voyage à Metz, où il fut appelé par le duc de Guise après la levée du siège. D’autres écrits contemporains sur le même sujet sont connus des bibliophiles. Une relation italienne, composée et réimprimée à Florence en 1553 même, et provenant d’une plume inconnue, offrait assez d’intérêt pour être traduite en français et reproduite à Lyon la même année. On lit avec intérêt, dans l’Histoire des ducs de Guise, de M. de Bouillé, des détails auxquels nous ne pouvons donner place ici.