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coton-poudre ou fulmi-coton, qui s’obtient par la réaction de l’acide nitrique sur le coton. Ce corps est en effet doué de propriétés explosives très considérables qui donnèrent au début de grandes espérances. Malheureusement il est difficile de l’obtenir toujours pur, il brûle si vite qu’il brise les armes, et il a une certaine tendance à s’enflammer spontanément. Toutes les fois qu’on a voulu le fabriquer sur une grande échelle, on a eu à déplorer des accidens désastreux, comme ceux qui survinrent en mars 1847 et en juin 1848 à la manufacture du Bouchet. Il y a dix ans, on essaya vainement en Autriche de tirer parti du coton-poudre pour les armes de guerre ; il fut, à la suite d’épreuves multipliées, reconnu impropre à ce genre de service aussi bien qu’à tout autre, vu l’irrégularité de combustion de ce produit et les dangers qu’en présente le maniement. Dans ces dernières années seulement, un chimiste anglais, M. Abel, après une série de longues expériences, est parvenu à perfectionner d’une façon notable l’application du coton-poudre. Il réduit celui-ci, par une extrême division des fibres, à un état de pulpe analogue à la pâte de papier, et, au moyen d’une forte pression, il convertit cette pulpe en petites masses tellement compactes, que le danger des combustions spontanées disparaît complètement. Plusieurs maisons anglaises fabriquent ainsi de petites charges déformes très diverses et possédant une grande force explosive sous un volume très réduit. Des épreuves décisives ont d’ailleurs prouvé que le transport du coton-poudre ainsi préparé peut être effectué sans aucun inconvénient. La nouvelle poudrerie installée boulevard Philippe-Auguste en fabrique 100 kilog. par jour sans compter 4,000 kilog. de poudre ordinaire. Les propriétés du coton-poudre comprimé par la méthode de M. Abel seront mises à profit dans la défense de Paris, ainsi que celles d’une autre matière bien curieuse, sur laquelle nous devons maintenant donner quelques détails.

Tout le monde a entendu parler des effets terribles de la nitroglycérine. Découverte par Sobrero en 1847 dans la réaction de l’acide nitrique sur la glycérine, elle constitue un liquide oléagineux doué d’un parfum assez agréable et donnant lieu à une formidable explosion lorsqu’on en provoque la décomposition par le feu et surtout par le choc. Elle présente en effet cette particularité d’être sensible aux vibrations bien plus qu’à la chaleur. Ce corps est la base de la dynamite. Employée pure et liquide, la nitroglycérine est fort dangereuse à cause de l’instabilité des élémens qu’elle renferme, toujours prêts à se dissocier avec une violence épouvantable, et le moindre ébranlement suffit pour les y aider. Quand la nitroglycérine détone, elle fait détoner celle qui se trouve dans le voisinage, quoique hors de l’atteinte des flammes. De là de grands périls à la transporter et même à la préparer, à tel point que les