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au moins en partie, à l’influence officieuse de ces quatre puissances qui paraissent enfin avoir prêté une attention émue aux conséquences de cette guerre, à la sauvagerie des moyens employés tout d’abord contre nous, et à ces prétentions hautaines, attentatoires au repos de l’Europe, que le vainqueur n’a pas craint d’afficher. Espérons qu’un premier essai suivi d’un prompt mécompte n’aura pas fait perdre courage aux représentans de ces quatre puissances, et que la cause du droit, de la justice, des traditions européennes, trouve en eux, même encore aujourd’hui, de zélés défenseurs. Si nous pouvons compter sur leur franche entremise, je ne demande qu’une chose, c’est qu’ils ne s’épuisent pas en de nouveaux efforts pour enfanter un armistice, préliminaire qui n’achèverait rien. Je sais un plus grand service à rendre aux belligérans, c’est d’aller droit au fait et de poser les bases de la paix elle-même. Qu’ils disent à la Prusse : « Vous voulez en finir, et vous avez raison. Votre gageure est déjà pleine de fatigues, elle peut l’être demain de dangers. Dites-nous votre dernier mot, et faites avec nous un projet de traité. Que le gouvernement de la défense nationale y demeure étranger, s’il le veut ; mais, pourvu que les bases lui en semblent acceptables, que la France soit consultée. Elle ratifiera le projet ou le repoussera, en votant oui ou non ; ce sera l’affaire de quelques jours ; seulement, ne l’oubliez pas, il nous faut une France qui puisse supporter sa condition nouvelle, c’est-à-dire dignement l’accepter, et réparer son désastre dans un repos utile à elle-même et rassurant pour ses voisins. Cette France, nous la voulons, nous en avons besoin. La place qu’elle occupe en Europe, nulle autre qu’elle ne la tiendrait. La démembrer, la réduire, c’est lui infliger une soif de vengeance qui ne s’éteindrait plus ; c’est la guerre à perpétuité. Si vous êtes sincère, si vous ne cherchez vraiment qu’un moyen de garantir la paix à l’Allemagne et non l’agrandissement de votre propre puissance, vous n’avez pas besoin d’enlever à la France la Lorraine et l’Alsace, qui lui sont intimement soudées et qui ne veulent pas de vous. Contentez-vous de demander pour la sécurité commune qu’à titre de sol limitrophe ces deux provinces, tout en restant françaises, soient cependant neutralisées comme deux autres territoires français, le Chablais et le Faucigny, le sont au profit de la Suisse. Cette garantie purement pacifique, la France, sans ombrage, la pourrait accepter, surtout si sur la frontière allemande une bande de terrain de profondeur à peu près égale était soumise aux mêmes conditions. »

Ce n’est là, notez bien, que l’imparfaite esquisse d’une idée dont un ample développement pourrait seul faire sentir les sérieux avantages aussi bien pour la France elle-même que pour ces deux malheureuses provinces si justement impatientes de respirer et de fermer leurs plaies sous le bienfaisant abri d’une vraie sécurité. Une fois revêtu de la sanction plébiscitaire, cet acte diplomatique pourrait, si je ne m’abuse,