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LE
SIEGE DE METZ

Il y a une voix de la conscience publique qui s’élève, après chaque nouvelle épreuve que nous traversons, pour en dégager nettement la moralité générale, pour exprimer ce qu’en pensent à la même heure sans s’être entendus les hommes de toutes les opinions. Le lendemain de la malheureuse bataille de Wœrth, personne ne condamnait le maréchal Mac-Mahon ; le lendemain de la capitulation de Sedan, tout le monde condamnait l’empereur. Quelques égards que l’on doive au courage et au malheur, on ne peut empêcher que la conduite du maréchal Bazaine ne donne lieu à des interprétations très diverses, et ne jette dans les âmes d’étranges inquiétudes. Pourquoi le sentiment public cette fois ne se prononce-t-il pas, pourquoi hésite-t-il entre la sympathie et le blâme ? Pourquoi le temps et les renseignemens qui nous arrivent, au lieu de faire la lumière, ne font-ils qu’augmenter l’incertitude et l’obscurité ?

Lorsque Toul a succombé après six semaines de résistance, quoiqu’on ne connût que fort imparfaitement les détails du siège, le pays n’a exprimé que de la reconnaissance pour la petite garnison qui, dans une place de troisième ordre, sans un seul artilleur de l’armée régulière, avec deux bataillons de gardes mobiles et 140 fantassins et gendarmes, avait tenu si longtemps l’artillerie prussienne en échec. Personne en France ne s’est mépris non plus sur le sentiment que devait inspirer la capitulation de Strasbourg. On savait que le général Uhrich, bloqué avec 10,000 soldats par plus de 60,000 hommes, avait épuisé avant de se rendre toutes les formes de la défense, essuyé plusieurs jours de bombardement, tenté