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politique dans lequel il s’est renfermé jusqu’au bout. Croit-on que l’ancien état-major de l’empire rassemblé à Metz, les maréchaux Canrobert et Lebœuf, le général Frossard, se soient résignés facilement à la déchéance de l’empereur, à la chute de la dynastie, à la proclamation d’une république qui un jour peut-être demanderait à quelques-uns d’entre eux un compte sévère de leurs actes, qui en tout cas avait le tort à leurs yeux de renverser le gouvernement de leurs préférences, de détrôner un prince auquel ils avaient prêté serment, dont tous avaient reçu des marques de faveur et des témoignages d’affection ? Les plus intimes confidens de la pensée impériale se trouvaient réunis par le hasard de la guerre autour du maréchal Bazaine. Quoique lui-même eût vécu beaucoup plus qu’eux loin des Tuileries depuis l’expédition du Mexique, quoiqu’il gardât peut-être une secrète amertume du rôle qu’on lui avait fait jouer à la fin de cette triste campagne, ne venait-il pas de recevoir de la main même de l’empereur le commandement en chef de l’armée du Rhin ? Sa loyauté de soldat, un sentiment d’honneur très respectable, ne l’empêchaient-ils pas de prendre un parti dans les ténèbres où il vivait, dans l’ignorance presque absolue de ce qui se passait en France ? Qu’était-ce que cette république dont il ne connaissait l’existence que par des rapports prussiens ou par des journaux étrangers ? La France l’acceptait-elle ? Fallait-il la considérer comme un gouvernement fondé, définitif, sanctionné par le suffrage universel ? Suffisait-il qu’elle fût proclamée à Paris, dans un jour d’entraînement populaire, pour qu’elle devînt la loi du pays tout entier ? Où et comment la province avait-elle été consultée ? Existait-il une assemblée qui représentât non pas seulement l’esprit de la capitale, mais le libre sentiment de toute la France ? On sait toute la répugnance qu’ont inspirée de tout temps aux militaires les gouvernemens d’avocats. N’était-ce pas demander beaucoup à de vieux soldats que de leur imposer M. Gambetta comme ministre de la guerre ? Cette nomination, apportée sans doute et peut-être exploitée par les avant-postes prussiens, était-elle de nature à réchauffer le zèle républicain des généraux de l’armée de Metz ?

Faut-il trop s’étonner qu’ils n’aient pas approuvé non plus le choix de Garibaldi comme chef de l’armée des Vosges ? Leur reprochera-t-on de n’avoir pu prendre au sérieux ce commandement d’aventure ? Pour être juste envers le maréchal Bazaine et ses lieutenans, il ne faut pas oublier non plus qu’aucune communication directe du gouvernement de la défense nationale ne pénétrait jusqu’à eux. Les Prussiens faisaient bonne garde autour de la ville, et n’y laissaient entrer que les nouvelles qu’il leur convenait d’y introduire. On peut s’en rapporter à leur habileté pour n’avoir