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mésintelligence politique régnait entre les généraux et les habitans, que l’armée, pour employer l’expression même dont se sert l’Indépendant de la Moselle, séparait sa cause de celle de la ville ? Faut-il croire, comme l’indique le général Coffinières, commandant la place, que les intérêts de celle-ci ont été sacrifiés, qu’on s’est moins occupé de la défense qu’il ne l’aurait fallu, et que les questions politiques ont entravé les expéditions militaires ? Ces conjectures seraient confirmées par le témoignage des journaux allemands et anglais, qui n’ont cessé de dire pendant le siège que les habitans de Metz se prononçaient pour la république, tandis que les généraux tenaient encore pour l’empire, et que la garde continuait à s’appeler la garde impériale. Nous ne pouvons douter en effet, nous qui connaissons l’esprit de la population de Metz, ses instincts libéraux et son patriotisme, qu’elle n’ait accueilli la chute de l’empire comme une délivrance. Déjà les opposans avaient été en majorité dans la ville à l’époque du plébiscite. Depuis, que de fautes n’avait-on pas commises qui devaient ouvrir les yeux des plus aveugles ! Dans quelle partie de la France l’incapacité de la politique impériale causait-elle plus de malheurs et plus de désastres ? Tous les jours, chacun sentait à Metz par ses propres malheurs le poids des défaillances de l’empire. Si, malgré ces dispositions inévitables de l’esprit public, les chefs de l’armée, comme bien des indices le font craindre, se sont obstinés à se considérer comme les soldats de l’empire, ils ont dû exciter dans Metz une irritation et une défiance qui, contenues peut-être pendant le combat, ont éclaté nécessairement après la capitulation. On comprendrait alors pourquoi le maréchal Bazaine aurait été obligé de quitter la ville presque furtivement ; on s’expliquerait l’accusation portée contre lui le 28 octobre par l’Indépendant de la Moselle, un des journaux qui ont le plus nettement et le plus énergiquement combattu l’empire.


II

Croit-on d’ailleurs que les habitans de Metz, si jaloux des glorieux souvenirs de leur histoire locale, si fiers de vivre dans une ville où l’ennemi n’avait jamais pénétré, pardonnent facilement au maréchal Bazaine la désastreuse campagne qui, après tant de privations et de souffrances inutiles, aboutit à l’entrée triomphale des Prussiens dans leurs murs ? Le jour en effet où le maréchal Bazaine se repliait sur Metz pour s’y enfermer, il devenait responsable non-seulement du sort de son armée ; mais du sort de la ville qu’il attachait à sa fortune. Aujourd’hui les Messins, qui n’avaient pas