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multiplia le nombre et l’emploi, et enleva de cette façon une grande partie de ses avantages à la valeur personnelle des Hellènes.

Ainsi pourvu, le Macédonien épia la première occasion de guerre avec Athènes, ses alliés oui ses rivales ; elle ne tarda point à se présenter. La Macédoine travaillait toujours à se créer une marine. Amphipolis lui avait échappé. Philippe ressaisit habilement sa proie. C’est ainsi que la Prusse reprenait en 1864 ses projets d’occupation des duchés, qui s’étaient fait jour en 1848, et qu’elle avait ajournés jusqu’au moment où elle serait assez forte pour les poursuivre en dépit des protestations de l’Europe. L’attaque dirigée contre Amphipolis par Philippe exposait celui-ci à rencontrer la coalition d’Olynthe et d’Athènes. Olynthe, république importante, dont le port, situé au fond du golfe de Torone, était alors un des plus fréquentés de l’ancienne Thrace, avait été naguère placée à la tête de la ligue des villes chalcidiques. Avec son astuce habituelle, le roi arrêta l’alliance qu’il appréhendait en achetant la neutralité d’Olynthe par la promesse de lui. donner la ville d’Anthémus. Quant aux Athéniens, il les leurra d’un autre côté par l’assurance de prendre pour eux Amphipolis, rendue depuis un certain temps à son indépendance, pourvu qu’ils le laissassent occuper Pydna, qui, sous Amyntas, s’était séparée de la Macédoine pour entrer dans leur alliance. Athènes, tentée dans sa convoitise, se laissa facilement enjôler. Philippe pénétra dans Amphipolis, y mit garnison, puis, assiégeant Pydna, il s’en empara par trahison ; mais, quand il fut question de donner à Athènes son gage, il prétendit qu’il était fondé à le garder par droit de conquête. Dans une lettre adressée aux Athéniens, il allégua qu’un de ses ancêtres avait jadis possédé Amphipolis, et, ajoutait-il, les Athéniens reconnaissant que chacun devait conserver ce qui lui appartenait, il avait le droit de garder la ville qu’il occupait, puisqu’elle était en sa possession. Un ministre de Prusse n’aurait pas parlé autrement. Le tour était joué ; de là l’indignation de Démosthène, qui eût voulu que l’on ne s’en remît pas à Philippe du soin de prendre Amphipolis, et qui reprochait à ses concitoyens de n’avoir qu’une politique sans prévoyance et au jour le jour.

L’irritation d’Athènes ramenait la possibilité d’une coalition avec Olynthe. Le roi macédonien éloigna de nouveau une telle éventualité par la promesse faite à cette dernière ville de lui livrer Potidée qu’occupait alors une garnison athénienne, dette fois il tint parole ; mais une semblable perfidie menaçait Philippe d’amasser contre lui toutes les colères d’Athènes, dupée une seconde fois. Il fit alors patte de velours, ne se sentant pas assez prêt pour l’attaquer. Il affecta des sentimens de bienveillance à l’égard des soldats athéniens qu’il trouva dans Potidée, les traita avec courtoisie, et les renvoya dans