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gènevriers. Les coqs de neige ou les lagopèdes, se trouvant à merveille sous les grands glaciers, ne descendent jamais dans la vallée. Ces gallinacés, au plumage fauve, maillé et vermiculé de noir en été, tout blanc en hiver, creusent et jouent dans la neige„ s’en éloignant à peine pour couver dans quelque trou. La perdrix des rochers (Perdix saxalilis), peu différente par l’aspect de la perdrix rouge, qui se plaît au milieu des pierres et des broussailles, ne s’écarte guère de la zone préférée du tétras à queue fourchue.

Les ralles, les foulques, les poules d’eau, viennent sur les lacs de la Haute-Engadine et nichent aux alentours ; les mouettes, l’hirondelle de mer, les plongeons, diverses espèces de canards, paraissent sur ces lacs deux fois chaque année. Les oiseaux sédentaires ne sont pas fort nombreux dans la contrée que traverse l’Inn, mais à certains jours les oiseaux de passage se montrent par bandes sur les Alpes rhétiques ; venant du nord aux approches de l’hiver, ils atteignent l’Italie par le col du Bernina, et aux premiers jours du printemps ils suivent la même voie pour retourner dans les pays où ils sont nés.

Les roches escarpées et les crevasses, les petits espaces de terrain semblables à des îlots perdus dans la mer de glace, sont dans les grandes montagnes des Grisons, comme dans toutes les hautes Alpes, le domaine de plusieurs mammifères. Un intérêt extrême s’attache à ces êtres, doués à la fois d’une certaine intelligence et d’instincts curieux. A la pensée de conditions d’existence qui semblent épouvantables, on est tenté de les plaindre ; mais il faut se rassurer, les charmans animaux qui habitent les pentes du Bernina ou du Mont-Blanc sont organisés pour se complaire en ces lieux désolés. Transportés sur un sol moins abrupt et sous un climat plus doux ils seraient malheureux, et ils périraient.

Les chamois, affreusement poursuivis par les chasseurs des Alpes, ont été un peu plus épargnés sur les montagnes qui entourent l’Engadine qu’en beaucoup d’autres parties de la Suisse. Aux abords des glaciers de Morteratsch et du Bernina comme sur le Roseg et le piz Languard, on en découvre encore assez fréquemment de petites troupes. La vue de ces jolies chèvres alpestres, ainsi que souvent on les nomme, est pleine de charmes. Si rien ne les trouble, les chamois, groupés dans diverses attitudes au milieu d’une nature sauvage et grandiose, forment un délicieux tableau : celui-ci broute l’herbe ; celui-là, le corps dressé, s’appuie contre une sorte de mur pour saisir une broussaille, cet autre, monté sur la pointe aiguë d’une roche, les pieds rapprochés, le cou tendu, la tête haute, les yeux, beaux comme ceux des gazelles, tout grands ouverts, regarde au loin et flaire le danger. Survient une cause d’inquiétude, la bande entière fuit dans la même direction ; les anfractuosités, les