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décréter sans retard la levée en masse, et M. Blanqui faisait dans son premier club du Café des Halles-Centrales de véritables conférences sur l’art de défendre les places. Dans l’opinion de M. Blanqui, il fallait munir la population parisienne de pelles et de pioches, et la faire sortir en masse pour improviser autour de Paris des fortifications à la « Tottleben. » Ce conseil pouvait être bon, quoiqu’il ne fût pas précisément facile à suivre ; mais M. Blanqui n’admettait ni objection ni retard, et c’est là un des traits les plus caractéristiques de l’opposition des clubs. On demandait encore au club des Halles-Centrales, la réquisition de toutes les subsistances et une distribution égale à toute la population ; on demandait la confiscation des biens des bonapartistes et des traîtres, l’incorporation immédiate des séminaristes dans l’armée, la destitution de tous les généraux et leur remplacement par des « enfans du peuple, » l’envoi de commissaires dans les départemens. Si le gouvernement de la défense nationale hésitait à employer ces moyens de salut, qu’en fallait-il conclure ? C’est que le gouvernement était, suivant l’expression de M. Blanqui, « composé d’idiots et de traîtres, » et la conclusion se devine. Malgré le soin particulier avec lequel le gouvernement s’appliquait à ménager ces amis et ces conseillers terribles, la rupture entre l’état-major des clubs et l’Hôtel de Ville était consommée déjà au moment de l’investissement de Paris, et sur toute la ligne des clubs on commençait à demander la commune, La campagne en faveur de la commune ayant abouti, comme on sait, à l’échauffourée du 31 octobre, il s’est produit alors un temps d’arrêt dans la propagande démagogique des clubs ; mais au bout de quelques jours on s’était remis de cet échec : il suffit d’assister aux séances des clubs de Belleville, de Ménilmontant, des Batignoles, de ces hauteurs d’où les lumières de la démocratie et du socialisme descendent dans les profondeurs de Paris (discours de M. Jules Allix, au club Favié), pour s’assurer que le « parti » n’a point désarmé, et qu’il n’attend qu’une occasion propice pour prendre sa revanche du 31 octobre.

Les orateurs de Belleville vont même jusqu’à se féliciter de n’avoir pas réussi alors. « Nous étions trop doux et trop confians, disait un de ces naïfs énergumènes dans la séance du 19 novembre. Nous n’aurions pas fait ce qu’il fallait, nous le ferons aujourd’hui, Ce qu’il nous faut, c’est un 93. Eh bien ! 93 reviendra, soyez-en sûrs, citoyens, nous retrouverons des Robespierre et des Marat. » Comme il est facile de le supposer, aucune mesure émanée du gouvernement de l’Hôtel de Ville ne peut plus satisfaire cette opposition, devenue irréconciliable, et c’est encore M. Blanqui qui achevait de la peindre. A l’époque où l’on faisait des sorties partielles, les clubs