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se distraire d’aucun devoir, ne prenne pas quelque peine pour assurer d’avance des défenseurs à ses convictions. Qui peut dire à quel jour, à quelle heure, l’intervention d’une assemblée ne deviendra pas tout à coup nécessaire ? il faut donc être prêts. Rappelons-nous que sans organisation, — nous en avons une trop cruelle preuve, — les meilleurs, les plus braves sont bien vite vaincus. Préparons-nous, travaillons à nos listes, formons des comités, cherchons des adhérens, élargissons nos préférences, n’excluons que les exclusifs, de quelque couleur qu’ils soient, et prêchons les concessions mutuelles, seule chance assurée de succès. C’est un genre de travail qui peut se faire partout, à l’exercice, au corps de garde, aussi bien, encore mieux que chez soi ; ne négligeons rien, en un mot, pour n’être pas surpris, et pour qu’à l’improviste, en quelques jours, s’il le fallait, nous puissions avec bonne chance improviser pour la France cette ancre de salut.

Voilà pour les citoyens ; mais le gouvernement, qu’il me permette de le lui dire, a bien aussi, sur ce même terrain, ses précautions à prendre et quelque chose à préparer. Jamais d’abord il ne redira trop ce qu’en mainte occasion, j’aime à le reconnaître, il a déjà franchement répété, à savoir que sa responsabilité lui pèse, qu’il lui tarde de s’en décharger, et qu’il comprend que la France a de son côté quelque hâte de reprendre possession d’elle-même. S’il n’y avait à l’Hôtel de Ville que trois ou quatre personnages que je m’abstiens de nommer, cette précaution, à bon droit, devrait paraître superflue ; mais à côté de ces esprits assez larges et assez dégagés pour s’incliner avec respect et sans restriction devant l’arrêt, quel qu’il soit, de la souveraineté nationale, il en est d’autres, nous dit-on, qui placent la loi suprême dans une souveraineté de tout autre nature, abstraite, préconçue, sorte de droit divin en costume profane, devant lequel ils s’agenouillent, que dévotement ils voudraient soutenir envers et contre tous, si le suffrage universel se permettait jamais de n’être pas suffisamment docile à cette mystérieuse autorité. Est-ce vrai ? Je n’en sais rien et n’en voudrais rien croire, n’était certains échos venus de Tours et certaines paroles échappées à l’Hôtel de Ville, à l’entourage au moins et d’un certain côté, édifiant concert où le suffrage universel est traité de la belle façon, comme un pauvre écolier qu’il faudra faire attendre et mettre en pénitence, s’il ne sait pas sa leçon ; ajoutez-y bien d’autres gentillesses non moins respectueuses et toutes en parfait accord, sur un mode plus doux, avec les cyniques menaces que chaque jour les feuilles radicales, autoritaires et montagnardes lancent à la liberté et aux droits du pays. C’est donc un vrai devoir pour le gouvernement de ne perdre aucune occasion de prévenir toute équivoque, et, sans crainte du pléonasme, de constater incessamment combien même à ses yeux son titre reste toujours précaire, qu’il n’entend pas le perpétuer, et que la convocation des collèges