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bachelier, licencié, enfin maître le 18 décembre ; on n’osait pas encore dire docteur. La faculté ne réclama point, et Ambroise Paré, usant de son crédit pour obtenir du lieutenant criminel les corps des suppliciés, fonda aussitôt et continua pendant plusieurs années des cours de dissection et d’anatomie pratique.

Deux petites expéditions militaires, la mort violente de Henri II, suivie si promptement de la mort de son triste fils, et un accident grave, une chute de cheval qui lui brisa la jambe, enlevèrent Paré à ses études jusqu’au début de la guerre civile de 1562, pendant laquelle on le vit encore au siège de Rouen, à la bataille de Dreux, au siège du Havre, toujours actif, partagé entre les opérations et les observations, changeant sa thérapeutique un peu surannée (car il fut l’un des partisans opiniâtres de l’huile de petits chiens), inventant des instrumens nouveaux, à la fois opérateur, chimiste, coutelier, sachant se donner chaque jour à la science et à la guerre. Le Havre capitulait en 1563, et en 1564 Paré publiait ses Dix livres de chirurgie, avant de partir pour suivre le roi Charles IX dans un long voyage à travers les provinces qui dura près de deux années. La peste, la petite vérole, la rougeole, furent les fléaux rencontrés sur son chemin par le chirurgien du roi. Il faillit en mourir, mais il eut soin d’en décrire les symptômes et le traitement dans un livre nouveau. Au milieu de ces épidémies revint la guerre civile, signalée par les tristes noms de Jarnac et de Moncontour, et Paré donnait ses soins aux blessés de ces lugubres journées, lorsqu’il fut envoyé en Flandre par le roi pour soigner le marquis d’Avret ; il le sauva, et fut reçu en triomphe à Mons, à Malines, à Bruxelles, comme un grand capitaine. Ce voyage marque la dernière période heureuse de sa vie. Pendant les vingt années de sa forte vieillesse, Ambroise Paré eut à traverser la Saint-Barthélémy, à laquelle il échappa par la faveur de Charles IX, selon la tradition reçue, ou plutôt parce qu’il était catholique, comme l’a établi M. Malgaigne. Les années suivantes furent remplies par l’exercice infatigable de son art, la publication de ses travaux, la résistance aux injures et aux attaques d’absurdes rivaux, enfin par le service du roi, auquel il était attaché, comme premier chirurgien, aux gages de 666 livres 12 sols. La guerre l’arracha une fois encore à ses livres, et il était dans Paris pendant le siège de 1590, terminé par l’horrible famine qui réduisit les 200,000 habitans à recevoir Henri IV malgré les prédications des évêques et la terreur de la potence. Ambroise Paré fut infatigable au milieu des mourans et des affamés.

Le siège de Paris fut levé le 20 août 1590. Le 20 décembre, Ambroise Paré mourait à près de quatre-vingts ans dans la ville où il avait été petit apprenti barbier, puis chirurgien du roi, maître